Le vent d’est ne facilite pas la sortie du delta. A la renverse de la marée, le vent contre le courant lève une mer courte et hargneuse. La nuit est rapidement tombée et nous voyons tous les feux de la flottille du Rallye autour de nous. Nous sommes encore relativement groupés depuis que l'Alvaro Furtado nous a largués sous l'île de Mexiana.
Contrairement à notre attente, nous ne croisons pas grand monde et au petit matin Caramel prend cap au nord. Les voiles sont établies au bon plein et nous voguons à belle vitesse sur une mer belle.
La nuit suivante est nettement plus animée. C'est un gymkhana entre les bateaux de pêche dont les feux blancs sont symboliques et ne restituent en rien la route de pêche. De toutes façons, à peine croit-on avoir compris le sens de leur déplacement que ces zouaves changent de cap. Le radar est ici d'un précieuse utilité, mais les échos de ces petites embarcations sont régulièrement masquée par les vagues.
Ce qui nous inquiète plus ce sont ces toutes petites loupiotes qui fleurissent parfois sur l'eau derrière les embarcations ... Rontudjûû : des filets. Et hop on repart dans l'autre sens en contournant le chapelet de lucioles qui dansent. Ouf on est passé, mais ce n'est que partie remise, chaque heure de quart a son lot d'inquiétude, de peaufinage du radar, d'options de contournement, de zigzags, de noms d'oiseaux ... L'aube voit Catherine crevée et le Captain n'a pas l'oeil bien frais. C'est dur les nuits à deux quand on tombe dans une armada de pêche par une nuit sans lune.
Nous sommes toujours sur le plateau continental créé par le flux continu et séculaire des limons charriés par le grand fleuve. Nous naviguons au large depuis plus de deux jours sur huit à dix mètres d'eau brune. On est toujours un peu inquiet en regardant le sondeur !
Au gré des sautes de vent, nous nous dirigeons à bonne vitesse (merci le courant portant) vers la Guyane française. Il est deux heures du matin lorsque nous embouquons le très long (10 milles) chenal d'entrée du port de Cayenne. De bouées en bouées et contre le courant de jusant, nous parcourons ce chenal dragué en permanence. Les limons remontent jusqu'ici et remplissent l'excavation sous-marine que les hommes s'échinent à creuser à grand frais. A la moitié du trajet, le sondeur nous indique 20 cm sous la quille puis ... plus d'eau. Nous sommes au moteur en marche avant lente, le petit bateau stylisé est bien au milieu du chenal sur la cartographie électronique, alors quid ?
Vroum, un peu plus de marche avant et la quille tout en douceur s'enrobe de la folle fraîcheur des limons, Fa passe ... Trois heures de chenal ! Et nous sommes enfin rendu juste avant l'aube à Dégrad de Cannes: le port le plus moche du continent sud américain. Cinq de nos amis bateaux sont déjà rendus et le dernier arrivé reste éveillé pour accueillir le suivant : sympa. Nos copains de Nouchka prennent nos amarres lorsque nous nous rangeons à couple d'eux après trois jours et trois nuits de mer.
Ici c'est la France, c'est Cayenne et un des climats les plus pluvieux du monde. En fait il est plus simple de compter les heures où il ne pleut pas ! Nous dormons trois heures, Catherine part avec des amis faire de l'avitaillement (prix nettement plus cher qu’en Europe) puis sur le coup de 14 heures, nous larguons les amarres après avoir distribué quelques bises et poignées de mains aux copains présents.
Pour nous c'est la fin du Rallye, les autres resteront une petite semaine ici (il pleuvra sept jours), nous décidons de poursuivre notre chemin tout de suite.
Nous embarquons avec nous Solange et Thomas, sympathique jeune couple parisien de 29 ans qui a pris six mois sabbatiques pour parcourir une partie du monde : trois mois en Extrême-Orient et trois mois en bateau. Ils ont fait l'Amazone sur un autre bateau mais l'entente n'était pas au rendez-vous. Nous avons discuté de la chose à Afua et ils ont embarqué à Cayenne sur Caramel.
Nous croisons à la sortie du toujours aussi long chenal, 4 bateaux copains qui arrivent. Nous apprenons par radio que le skipper de l'un d'entre eux s'est cassé le bras la veille et qu'il est immobilisé. Deux équipiers de bateaux amis sont montés à bord en mer pour mener le bateau jusqu'à Cayenne où il sera soigné (Jo, pas le bateau). Bonne chance à toi Jo, nous espérons que tu aimes la pluie puisque tu as décidé de rester ici trois mois !
Nous sommes de retour sur les flots, en route vers Trinidad, grande île toute proche du coin NE du Venezuela. Nous mettons un peu d'ouest dans notre nord et l'allure est très confortable. Spi d'artimon en rab des voiles normales, Caramel allonge la foulée en s'éloignant des côtes. Il s'agit dans cette région d'éviter au mieux les côtes du Surinam, nous passons à plus de 100 milles au large de ce pays à mauvaise réputation. Les quarts sont confortables : chacun veille durant trois heures, ce qui nous fait pratiquement des nuits complètes.
Le 25 avril, le vent s'essouffle, Yanmar (marque du moteur) vient à la rescousse pour les dernières 24 heures. Nous passons au large des immenses plate-formes pétrolières des eaux vénézuéliennes. Ce n'est ni laid, ni beau, simplement impressionnant. Modérons nos jugements, car si nous avançons au moteur actuellement c'est grâce au pétrole qui sort de ces amas de ferraille !
Solange rêve de prendre un poisson à la traîne et de voir des dauphins. Mais pas l'ombre d'une bande de delphinidés et la pêche ne se concrétise pas après les touches brutales sur notre Rapala. Nous ressortons le leurre de 20 cm en polyester ... où se dessine une belle empreinte de dents. Frisson !
En milieu de matinée le 26, nous manoeuvrons Caramel pour le mettre cul à quai dans la Crew's Inn Marina à Trinidad, après une semaine de mer. Une petite visite à l'Immigration Office puis aux collègues des Customs. Tout est parfaitement organisé, regroupé, policé, on paye la taxe de séjour en dollars US (c'est du solide) et en moins d'une heure, tout est en ordre.
On profite du luxe retrouvé : une marina, des pontons, de l'électricité, de l'eau courante et même une piscine et un BBQ à moins de 40 mètres du bateau !
Catherine régente ses effectifs (qui ont triplé depuis l'agrandissement de l'équipage) : nettoyage du bateau, aspirateur, changer les draps, 7 tournées de lave-linge, récurage du pont. Ah qu'on était bien en mer ...
Ici les habitants sont très noir de peau, peu de métissage comme au Brésil. On y parle l'anglais, ce qui nous facilite tout de même grandement la tâche. On est immédiatement surpris par le nombre de Rasta Men qui circulent. Le look rasta est connu en Europe, mais ici il atteint des "sommets" inégalés. En effet, le sport est d'atteindre la plus grande longueur de cheveux possible, de se les enrouler au sommet du crâne et de les coiffer d'un bonnet qui sera d'autant plus haut qu'il y aura de cheveux. Un bonnet dressé de 40 cm n'est pas rare. Le Captain trouve une étrange similitude avec les "Simpson" des dessins animés US. Ce sobriquet leur restera et nous les nommons définitivement ainsi.
La Capitale, Port of Spain, se rejoint via les Maxi Taxis, petits transports de 10 personnes que l'on arrête sur la route. L'équipée est souvent très folklorique et ils conduisent comme des sauvages. Catherine en profite pour aller trouver coiffeur et dentiste, Thomas se fait soigner d'une infection aux deux oreilles.
Mais qui voilà ! Nous retrouvons nos amis Benoît, Martine et leurs enfants Valentin et Max, le charmant équipage de Yaho. C'est la quatrième fois que nous nous voyons depuis Salvador. C'est évidement une opportunité pour utiliser le grand BBQ mis à disposition par la Marina. Nous décidons de faire quelques excursions dans le pays ensemble et louons chacun une auto.
Nous allons donc voir les fameux ibis rouges, le soir au soleil couchant sur les marais de Port of Spain, lorsque ces jolis oiseaux au bec recourbé affichent au mieux leur ramage écarlate. Pour nous y rendre, il faut emprunter de larges barges de bois à fond plat. Notre guide nous amène dans les sous-bois qui nous rappellent l'Amazone. On y voit des crabes de mangrove, des serpents lovés sur des branches et quantité d'oiseaux.
Nous arrivons sur un grand lac, la barge se cale dans la mangrove. 17h30, la lumière commence à devenir chaude. Des bandes d'ibis flamboyants passent dans le ciel comme des traînées de braises : surprenant !
Trinidad est une ancienne colonie anglaise : on y roule toujours à gauche. Heureusement, notre petite Daihatsu est automatique, ce qui ôte déjà un souci. Le Captain est le conducteur, les trois autres sont les passagers terrorisés. En dehors de la voiture, il y a toutes les autres autos, conduites par des fous. Le Captain a l'impression de se tenir bien au milieu de sa bande de circulation, mais il est bien trop à gauche, les passagers hurlent. On prend quelques bordures et quelques caniveaux. Et tous ces dingues qui nous serrent en nous croisant : Bande de bachi-bouzouks ! Dur de rester Zen.
Le lendemain, nous partons en excursion vers la plus haute cascade de l'île. Nous laissons nos autos dans le jardin d'un habitant à la fin de la route. Il les garde moyennant une petite rétribution et continuons à pied le raidillon dans la forêt. C'est une forêt dense de vieilles futaies. La forêt tropicale originelle.
Nous arrivons au pied d'un mur de basalte, disons plutôt une falaise. Tout là haut à 100 mètres à la verticale au-dessus de nous se jette l'eau qui tombe tout autour de nous en explosions étincelantes. Lever les yeux est difficile car d'une part l'eau tombant à cette vitesse est dangereuse pour les yeux et d'autre part, le soleil est au zénith de la cascade. Un bel arc en ciel rond entoure l'astre de vie. Quel bien-être, quel plaisir de se retrouver en maillot dans une eau fraîche. Benoît et ses enfants déblayent des rochers sous la cascade afin de pouvoir s'immerger entièrement. Pique-nique sur la caillasse dans le crépitement des gouttes.
C'est "thurdsay evening" à la marina. De tradition anglo-saxonne, la clientèle et la marina organise chaque jeudi un BBQ. Le principe est simple : chaque bateau apporte un plat d'accompagnement à partager, de la viande à cuire pour soi et des boissons. La marina fournit le BBQ (allumé) et les tables.
Nous nous retrouvons à table avec Randy et Alex(andra), deux "jeunes" retraités américains de Baltimore. Ils sont à notre ponton avec un bateau identique. Nous passons une bonne soirée à échanger nos impressions et nos expériences. Le Captain est toujours aussi nul pour cuire la viande au feu, mais Randy prend les choses en main. Catherine fait un tabac avec un gratin d'aubergines. "Oh dear, what a nice recipe Catherine. I want it !" . La soirée est sympa même si à l'américaine, elle commence à 18 heures et se clôture à 20 heures. La moyenne d'âge est tout de même un peu, disons, mûre … Nous sommes bien entendu invités à Baltimore. Ils seraient probablement bien surpris si nous venions réellement !
Catherine et le Captain s'en vont au marché en Maxi-taxi. Le terminus des taxis est à 500 m du marché hebdomadaire. Ici c'est la zone, on ne se sent pas à l'aise du tout. De grands escogriffes déguenillés errent dans les allées entre les étals. On discute un peu les prix, on achète des légumes et des fruits. On demande un kilo de crevettes, mais le prix est affiché en livres, nos tronches appellent bien évidemment la tentative d'arnaque.
Nous sommes les seuls touristes du marché, on ne la fait pas longue et on se tire rapidement. Trinidad est une île qui n'est pas très sûre et il faut savoir où l'on va. Nous ne le savons pas encore. Nous apprenons rapidement ce qu'il ne faut pas faire auprès des plaisanciers déniaisés. En bref, le soir, on reste à la marina et le jour on va en taxi directement dans les endroits sûrs. On ne déambule pas ... Charmant programme !
Ceci dit, la baie de Chaguaramas où nous sommes, est la Mecque de la plaisance au sud des Antilles. C'est plus particulièrement un immense parking à bateaux. Des milliers de bateaux sont stockés à terre sur les terre-pleins gardés des chantiers d'entretien et de réparations.
On peut disposer à peu près de tous les services à Chaguaramas. Chaque jour, nous avons la visite d'un Mister Clean qui propose de polir la coque, d'un Mister Winch qui s'est spécialisé dans le graissage des winchs, d'un plombier, d'un électricien, d'un voilier, etc... Rarement insistants, ils essayent de se vendre. Nous en aurons besoin bientôt.
Il y a également de grands shipchandlers qui peuvent fournir à peu près tout ce dont rêve le plaisancier moyen. Bref c'est l'étape technique parfaite et surtout un excellent endroit pour stationner son bateau en été pendant la saison des cyclones (Trinidad est hors de la ceinture cyclonique).
Allez zou, une dernière excursion avant de rendre notre petite Daihatsu. Cap sur le nord de l'île, vers Grande Rivière et sa plage aux tortues. Quatre heures de route pour faire 120 km, vous aurez, très chers lecteurs, rapidement calculé la vitesse moyenne de notre automobile sur les routes trinidadiennes, mais vous n'entendrez jamais les silences lourds et les cris de terreur de l'équipage lorsque nous passons les quatre ponts de bois de la fin du parcours. De simples traverses sur lesquelles sont jetées quelques planches. Le jeu est d'essayer de garder les pneus en contact avec les planches et d'éviter ainsi d'affaisser l'essieu avant entre les traverses. Le Captain entend les boyaux des passagers se tordre à chaque passage, mais que de stress pour rien, finalement !
Nous arrivons à la tombée de la nuit à l'hôtel. Nos équipiers comme nous, reçoivent une "suite" à deux chambres avec une salle de douche. Les grandes moustiquaires sont nouées au dessus du lit, un gros tourillon d'encens brûle pour éloigner les moustiques. Des volets à claire-voie ferment des fenêtres sans vitres. Tout est propre et délicieusement désuet. Nous dînons à l'hôtel en attendant l'heure de l'action.
L'action, ce n'était pas pour nous. Notre sympathique guide vient nous chercher à table vers 21 heures. La plage est tout à côté de l'hôtel. Il fait noir (évidemment) et pas de lune. Il nous dit avoir repérer plusieurs tortues luth (leatherback turtle) sur la plage et nous invite à le suivre.
Aussitôt dit aussitôt fait, le Captain se ramasse un tas de sable qui le fait culbuter. Catherine titube. Nous ne savons pas où poser les pieds tellement le sol semble labouré. Les yeux s'habituent lentement à la grande obscurité. On ne distingue rien du relief au sol et il faut avancer à tâtons. La très faible loupiote du guide n'est d'aucun secours.
Après avoir parcouru 100 m sur ce terrain bombardé, nous devinons enfin une masse plus sombre et un crissement de sable. Le lumignon du guide découvre une tortue de belle taille (1,50 m) qui creuse le sable habilement de ses nageoires arrières. Un geste complexe et élégant lui permet de creuser un trou de plus de 80 cm, à la limite de la taille des nageoires.
Ensuite, elle pond une centaine d'oeufs de la taille de ceux de la poule. Les oeufs sont ronds, très blancs et la coquille est encore molle et visqueuse. Le guide écarte légèrement la queue de la tortue pour nous faire voir la ponte. Elle est en transe et ne se laisse en rien distraire de ses actions instinctives. Le travail semble harassant, le chapelet d'oeufs n'en finit pas de tomber. Mais le plus fatiguant est encore à venir.
Le guide nous permet de la toucher. Sa tête est chaude et douce, elle n'a pas de carapace extérieure en écailles, mais une peau qui recouvre un squelette interne en forme de carapace. De ses yeux s'écoulent de longues chandelles de liquide visqueux. Ce ne sont pas des larmes mais un gel de protection contre l'eau de mer.
La tortue a fini de pondre et de ses grandes nageoires avant, elle envoie des gerbes de sable humide vers l'arrière. Ses nageoires postérieures dament le sable au dessus des oeufs. Elle chasse le sable durant d'interminable minutes pour faire disparaître toute trace de sa ponte, à tel point qu'elle crée des congères de sables aux alentours.
Epuisée, elle tire sur ses longues nageoires antérieures pour ramper jusqu'à l'eau, puis disparaît rapidement, une fois son élément naturel retrouvé.
Le guide nous explique à voix basse que les tortues luth nagent des milliers de kilomètres pour venir pondre tous les deux ans sur leur lieu de naissance. On ne sait pas comment elles se guident. Elles vont pondre sur la saison 500 à 600 oeufs. 5 à 6 tortues seulement deviendront adultes ... Mais de quelle taille : jusqu'à 1,80 m et 200 kilos !
Plein d'images extraordinaires dans la tête, nous rentrons nous coucher à l'hôtel. Notre guide viendra nous éveiller à 05h00 le lendemain. Quelques retardataires sont encore sur la plage (elle ne pondent en principe que la nuit). La dernière vient d'arriver, et entreprend ses travaux de terrassement. Le jour se lève mais elle ne nous voit pas, dévolue toute entière à sa tâche. Le trou et la ponte sont rapides, mais la plage est tellement fréquentée que notre spécimen démoli la ponte d'une congénère. Elle referme son trou pendant plus d'une heure, elle est réglée pour travailler une heure trente en tout. Le sable abrasif lui arrache la peau des nageoires. Elle saigne. On ne peut et on ne doit rien faire. Le retour à l'eau est pathétique, mais rapide.
Déjà les vautours sont sur le sable et déchiquètent les oeufs ressortis par la dernière pondeuse. Décidément ces oiseaux sont antipathiques à nos yeux d'humains, mais ils ont également leur place dans l'écosystème.
Dans deux mois de petites tortues émergeront du sable et fonceront vers la mer. Elle seront accueillies par les vautours et les frégates avant de toucher l'eau puis par les crabes et enfin par les prédateurs marins. Mais à Grande Rivière, l'homme triche un peu : on les met dans des seaux et on les relâche la nuit dans l'eau un peu au large. Statistiquement c'est une goutte d'eau, mais ... moralement c'est valorisant !
Nous quittons la marina pour retrouver le calme des mouillages des îles proches de Trinidad (Chacachacaré), au fond d'une baie profonde. Jusqu'en 1967 elle servait de léproserie pour les Caraïbes. Un village de 200 malades avec des cases et des infrastructures médicales, logistiques et ... religieuses (trois lieux de culte différents). Tout a été abandonné du jour au lendemain en y laissant mobilier, équipements là où ils se trouvaient.
En quarante ans, la végétation a diablement repris le dessus et c'est à peine si l'on aperçoit des toits dans la forêt dense qui tombe jusqu'à l'eau.
Par hasard, nous tombons sur un bateau belge ancré dans la baie. Son bateau est immatriculé à Anvers, mais Rudy vient d'Overijse. Son accent belge solidement affirmé remet le Captain dans le bain et il paraît qu'il reprend l'accent belge dans les minutes qui suivent. Rudy a une copine locale, il vit depuis quatre ans sur son bateau dans la région et quand il parle à sa moitié, il cause anglais avec le même accent qu'en français.
Très aimablement, il propose de nous guider dans la végétation à la visite des anciens bâtiments. De bon matin, nous voilà partis entre les troncs à la recherche des églises, de la power station, du cinéma, des habitations et surtout de l'hôpital. Partout les squatters de passage ont délabré ce que les pluies, l'humidité et le soleil n'ont pas pourri. C'est émouvant de se rendre dans l'église catholique, dont le plancher est très incertain et les murs colonisés par la mousse. Que de prières, que de souffrances dans la mémoire de ces murs de bois.
Dans l'hôpital, il subsiste le matériel de radiologie et les lits de fer de la salle commune. A l'étage, le laboratoire et la pharmacie regorgent encore de flacons de bouteilles aux étiquettes inquiétantes : "Poison". Des dossiers éventrés jonchent le sol, un rapide coup d'oeil permet de voir qu'il s'agit des fiches d'examen des patients.
Elles sont d'un type particulier. Une longue colonne en ordonnée reprend toutes les parties du corps du patient et la ligne en abscisse reprend par dates successives, l'état de ces parties ou leur ... disparition. On se rend compte qu'en 1967, la lèpre amputait encore sévèrement. Brrr, sinistre.
L'après-midi, nous visitons les trois grandes maisons des soeurs soignantes sur un autre versant de colline. Maisons agréables, grand réfectoire avec vue imprenable sur la baie. En visitant le petit cimetière en aval des constructions, nous découvrons que ces soeurs étaient françaises. Vu l'âge des décédées, la lèpre doit être contagieuse !
Sur un troisième versant se trouvent les maisons des médecins. Ce sera pour une prochaine visite. En attendant, nous faisons de l'exercice en grimpant la seule route de l'île qui mène au phare. Un vieux phare de 1896, gardé logiquement par un vieux gardien et sa bande de chiens. Il nous autorise à monter dans la chambre du foyer. C'est bien la première fois que nous voyons de si près un phare en fonction. Les lentilles de Fresnel sont impressionnantes. Nous sortons sur la terrasse tout en rondeur. Quelle vue somptueuse sur la baie, sur Trinidad et surtout sur les montagnes vénézuéliennes très proches. Seuls les vautours qui planent très haut au-dessus de nous sont plus gâtés. Nous promettons au gardien de revenir en juillet avec de la nourriture pour la meute.
Il est temps de redescendre, nous sommes presque déshydratés. En chemin nous prenons tout de même le temps de regarder les papillons bleu-ciel et les étranges tunnels que construisent les termites sur la route. Probablement pour se protéger du soleil, elles brouettent de sable sur l'asphalte pour former un sentier traversier de 6 mm de large et autant de haut puis elles creusent un tunnel dans leur sentier. Elles peuvent ainsi traverser la route comme sous terre. Si on balaye une petite portion de sentier. Une brigade de termites sort immédiatement du sentier et maçonnent à nouveau l'ouvrage abîmé ! "Toutes pour une, une pour toutes» telle est certainement la devise de la nation termite.
Nous vous passons la soirée dans Scotland Bay au son des hurlements des singes. Ca fait carrément froid dans le dos. La chasse sous-marine du Captain est nulle et l'équipage tiendra sa revanche avec un dîner de boîtes de sardines. Catherine n'en raffole pas. Par contre elle est très contente des services du dentiste trinidadien qui lui a entretenu la mâchoire : ouf !
Ce vendredi nous effectuons une traversée mouvementée vers Grenade, distante au nord de 70 milles. dans Prickly Bay où nous devons faire les formalités d'entrée, c'est le "Happy Friday". Le bistrot local offre toutes les semaines un concert de "Steel Pans". Ce curieux son métallique ressemble un peu au xylophone et les musiciens sont des virtuoses de la vitesse. En l'occurrence il s'agit d'un orchestre féminin. La dame en charge des basses a le physique de l'emploi. Yeaah, ça sonne tropical et la "Carib" est fraîche. On est bien.
La baie est rouleuse et Catherine, à juste titre, en a marre de ces mouvements. Nous décidons de nous retirer dès le matin dans une baie voisine tout à fait protégée de la houle : Egmont Bay. On ne voit pas la mer, rien que des montagnes qui forment un cirque, on va pouvoir enfin yodler. Seul un bateau australien partagera notre havre de paix durant deux jours.
Corne boeuf, que de vent ! La tenue du mouillage n'est pas terrible : c'est de la vase. Le matin, nous mouillons sur la rive au vent et le lendemain, nous sommes rendus sur l'autre rive. Nous avons force 5 à 6 en permanence jour et nuit : fatiguant. Vivement l'été local pour avoir des calmes de temps en temps.
Nous remontons la côte sous le vent de Grenade vers la "Capitale" : St George's Harbour. Charmante petite ville caraïbe aux relents très british. Nous visitons son vieux fort et assistons à la répétition de la fanfare de la police nationale dont c'est la fête dans 15 jours. Ça swingue fort chez les Grenadians.
Le coût de la vie est prohibitif ici et il paraît qu'il ne fait que monter au fur et à mesure de l'avance vers le nord. Ah, le Brésil !
Nous nous rendons dans la vieille rhumerie de l'île, dont la visite laisse des souvenirs olfactifs très variés : mélasse, fermentation, sucre, rhum. Nous goûtons bien entendu quelques rhums. Il faut constater que nous sommes toujours sur la route du Rhum !
Cariacou nous a vu pendant 2 jours, mais c'est le bled. Ces petites îles des Grenadines ne vivent que par le tourisme et l'insistance des locaux à vendre quelques choses est parfois pesante, mais rarement agressive.
Ce week-end, nous sommes à Mayereau, autre chips de terre, de sable et de rochers des Grenadines. Nous avons fait une plongée dans la caillasse d'un coin de côte. Nous nous attendions à un aquarium car les Grenadines sont interdites de pêche. Finalement de jolis poissons mais pas de gros et l'eau n'est pas toujours très claire. Les mouillages forains sont presque toujours rouleurs et le vent ne diminue toujours pas. C'est un peu usant.
Nous retrouvons à Union et pour la 5ème fois depuis Salvador, nos amis de Yaho un cata skippé par un médecin français, sa femme et leurs deux enfants. C'est bien sympa de faire des activités en commun.
Catherine et le Captain rendent visite à Russel Thompson, heureux propriétaire d'une île d'au moins 3 ares dans la baie de Clifton, gentille capitale de Union.
Russel est un ancien marin qui connaît la Belgique (Anvers, Gand, la bière, les filles, ...) Il est maintenant âgé et édenté. Sur son crâne encore garni, des cheveux blancs dessinent des continents sur une mer de cheveux noirs et crépus. Ce grand gaillard règne sans partage sur son caillou superbement situé.
Logé sous un abri de fortune, Russel sculpte des poissons dans les bouts de bois que la marée lui apporte. Parfois un tronc en provenance de l'Orénoque (pas très éloigné) s'échoue sur le récif corallien qui protège son île. Voilà du bon matériau pour plusieurs mois ! A marée basse, le Captain va rendre visite au dernier tronc échoué dont la grosse souche pointe vers le ciel. Il faut des chaussures de plastique pour marcher sur le plateau corallien (mort) couvert de 15 cm d'eau. C'est étrange de marcher sur l'eau et de se retrouver au milieu de la mer à 10 m des vagues qui brisent sur la frange du récif.
Aux plaisanciers qui mouillent dans la baie de Clifton et qui font les 300 m en annexe pour le rejoindre, Russel demande de la nourriture. En échange, il laisse visiter son île et/ou offre une sculpture.
Contre quelques conserves, deux bières et des cigarettes, nous troquons un beau thon en bois (?) veiné de 60 cm. C'est un objet plein d'âme et coïncidence un peu miraculeuse, les veines du bois dessinent aux bons endroits les yeux et les nageoires.
Artiste, il a décoré son îlot de centaines de lambis (conques) et de bric-à-brac généreusement offert par la mer ! Le clou de la visite est certainement son WC esseulé sur un petit palier rocheux, face à la mer (pas face à la baie évidemment) et fouetté par le vent du large. A partir de 20 noeuds de vent, il doit certainement se dire : "Don't hesitate, hurry and evacuate !"
Ce matin, cap avec Yaho sur les Tobago Cays, un semis de récifs coralliens qui devrait nous promettre une belle plongée. Juste 5 milles de navigation pour retrouver le paradis des cartes postales : une eau turquoise sur un fond de sable blanc entre deux îles chargées de cocotiers. L'eau a toujours 27 degrés et l'air 30. Yaho et Caramel s'ancrent en bordure de plage par 4 m de fond. Le sable est dense et l'ancre est pratiquement enfouie, nous tenons bien. C'est la basse saison, nous ne sommes que trois bateaux. On est trop gâtés, on va devenir difficile.
Solange et le Captain partent en plongée avec Benoît qui connaît les lieux. Nous ancrons l'annexe dans le lagon à la lisière de la barrière de corail et plongeons. Une passe permet de se retrouver en mer sur le tombant du récif. Nous évoluons durant 3/4 d'heure entre les bancs de poissons, les coraux aux couleurs vives et les colonies d'éponge-vases. Magnifique spectacle, quel plaisir de se retrouver dans une région interdite à la chasse sous-marine. Des scalaires jaunes et noirs viennent tourner devant le masque comme pour nous dévisager ! Nous finissons la plongée en apercevant un beau spécimen de barracuda. Au retour, nous parcourons un livre américain pour tenter de reconnaître les poissons vus.
L'après-midi, Catherine fait avec le Captain ses premiers battements de palmes en snorkeling, sagement entre les îles. Nous voyons une raie léopard de 80 cm et un petit diodon qui n'est pas effrayé et ne se gonfle pas pour sortir ses piquants. L'eau n'est pas l'élément de Catherine, elle fait un peu de claustrophobie et nous ne prolongeons pas trop la séance.
Nous passons presque trois jours dans ces eaux turquoises avant de rejoindre l'île de Canouan dont le seul intérêt est d'offrir une baie mal abritée pour la nuit.
Adieu à nos copains qui remontent sur la Martinique. Fin mai, Martine reprend son travail de marketing manager chez Pepsi France et Benoît remonte le cata jusqu'aux Açores avant de reprendre à Paris, son cabinet médical au confrère qui le remplace depuis 10 mois. Valentin et Maxime termineront leurs cours du Cned (correspondance) par un mois de juin à l'école.
Nous remontons en une étape vers St. Lucia (65 milles) par une mer agitée et un vent musclé (jusqu'à 40 noeuds). Nos estomacs sont bien ramollis par ces escales entre sauts de puces.
Nous voilà pour le WE à Rodney Bay Marina. C'est le grand nettoyage et grandes lessives. Changement d'équipage sous peu. Marie-Claire et Alban arrivent aujourd'hui. Solange et Thomas, nos excellents équipiers partent mardi matin. Catherine rentre en France demain, après un arrêt de quelques jours chez une amie en Martinique.
Solange et Thomas invitent Catherine et le Captain ce samedi soir à Gros îlet, un petit village situé à 2 kilomètres de la marina de Rodney Bay. Les habitants se remettent de leur Friday night party. En effet tous les vendredis soir, ils font de la musique et dansent dans la rue en mangeant des en-cas servis sur les pas de porte. On ne se sent pas trop en sécurité dans cette "main street" sombre, et que dire si nous étions venus hier ! La moitié des hommes sont saouls et zigzaguent sur la voie publique. Encore une "drunk Nation". Le repas simple composé de poulet grillé et de salade (avec des frites, une fois) mangé à même le trottoir sur une table de guingois, nous rappelle furieusement le Brésil. On ne s'éternise pas dans ces lieux et rentrons à pied, car le chauffeur de taxi pris à la sortie de la marina était ivre et nous avons risqué plusieurs fois l'accident sur ce petit trajet.
Aux aurores, le Captain accompagne Catherine à l'aéroport. Bientôt bonjour la France et vive les élections législatives ! L'équipage fait l'avitaillement dans un supermarché digne de ce nom et bourre le surgélateur de légumes gelés, bien plus abordables ici que les frais !
Nous voilà trois depuis mardi. Une dernière belle photo inattendue de Solange et Thomas sur la navette rapide est prise alors qu'ils quittent en même temps que nous le port de Rodney Bay pour Fort de France.
Marie-Claire, Alban et le Captain descendent Ste Lucie jusqu'au célèbre mouillage de Marigot Bay. Un fjord de 600 m entre les montagnes dont l'extrémité est protégée par une langue de sable parsemée de cocotiers. LA carte postale qu'Alban immortalise sur une aquarelle au soleil couchant.
Le lendemain, nous décidons de profiter un peu de cette jolie baie. Elle n'est pas trop encombrée, because basse saison. Le ponton du loueur Moorings est pratiquement plein de voiliers à louer. Nous achetons à un rasta, un joli panier tressé de palmes de cocotier qui garnira la table du carré.
De petits canaris noirs dont la gorge est colorée d'un rond de plumes rouges nous tiennent compagnie. Vraiment peu farouches, ils volètent dans le cockpit en poussant leur panse dodue. C'est le petit déjeuner et les miettes ne sont pas perdues pour tout le monde. Ils s'enhardissent et pénètrent dans le bateau à la recherche d'autres miettes. Un photo par ci, un bout de film par là. On est ravi jusqu'au moment où ils décident de faire de la place dans leur tube digestif en répandant des jolies déjections colorées et molles (sur la nappe blanche de Catherine, mais chûûût).
Rontujûû, tout le monde dehors ! Et cela sort par tous les capots de ponts. Quelques courageux s'aventurent encore à la recherche de nourriture en passant en trombe par le capot de la cabine arrière et en volant sur toute la longueur du bateau pour ressortir par le capot de la cabine avant !
Nous partons après le déjeuner vers l'Anse des Deux Pitons. C'est un lieu très spectaculaire que cette baie coincée entre deux dents rocheuses de Titans, hautes de plus de 850 m. On ne mouille pas, car c'est très profond et interdit (parc marin), mais on s'amarre sur corps mort à 40 m de la rive en caillasse ... Le vent furieux, dévale la pente entre les pitons, nous gratifiant d'une ventilation continue (jusqu'à 40 noeuds !). Toute la nuit, Caramel tire rageusement sur son amarre, on roule sur sa couchette. Spectaculaire mais fatiguant.
Pour quitter un état et rentrer dans un autre, il faut effectuer des formalités administratives. Document officiel indispensable : la "Clear Out" est obligatoire pour faire le "Clear in" dans l'état voisin. On rencontre dans les bureaux des fonctionnaires bougons choisis pour leur absence totale d'humour et leur passion pour la télévision (présente dans tous les bureaux). Malheur à toi Yachtman nanti, qui vient troubler leur sitcom préférée.
Ce jeudi, nous filons à Vieux Fort, au sud de l'île de Ste Lucie pour y faire notre obligatoire "Clear out". Caramel est seul dans la baie de ce port bananier et son Captain erre pour trouver douane et immigration. Un policier en civil le prend en grâce et le conduit au service de garde à l'aéroport voisin, car c'est jour férié local aujourd'hui (?!). Le Captain rentrera pedibus, 5 kilomètres c'est bon pour l'exercice. Alban continue à peindre, une exposition est prévue en septembre. Les îles sous le vent seront bien représentées !
Un vent musclé nous porte sur une mer creusée vers St Vincent dont nous longeons le relief escarpé. C'est probablement la plus belle des îles sous le vent, mais rarement fréquentée par la plaisance, car les abris sont peu nombreux et triste est la réputation de ses gabelous .
Nous voici de retour à Bequia, première île des Grenadines. Nous y restons le WE, mais nous vous abandonnons ici un instant cher Lecteur, car il faut retourner à l'immigration pour voir si le fonctionnaire de service est finalement arrivé. Les douaniers avaient conseillé ce matin de revenir voir cet après-midi entre 15 et 18 heures. Si le temps c'est de l'argent : ils sont très riches !
Caramel ramène son équipage entre les îles des Tobagos Cays pour le plus grand plaisir de tous. Nous y faisons connaissance avec Ian et Paulette un couple britannico-canadien qui sont sur un bateau identique. Comme d'habitude, les Captains échangent leurs impressions et expliquent fièrement les petites adaptations qui améliorent évidemment leur maison flottante. Mais Ian est un vrai Captain (fraîchement retraité de British Airways). Son Super Maramu l'a déjà amené en solitaire des Antilles au Canada l'année passée, où il a rencontré Miss Paulette. Apéritif verbeux sur Caramel dans une ambiance décontractée, les rencontres aléatoires sont un des grands plaisirs de la croisière et il faut saisir ces moments.
Une plongée s'organise avec eux sur le tombant du récif. Dans les premiers instants après la mise à l'eau un petit requin nourrice (1,20 m) nous fait une visite. Il ne s'intéresse vraiment pas à nous et se laisse photographier en ondulant benoîtement.
Nous trouvons sur le fond de sable, de grandes algues en forme d'arbre avec un tronc dont les branches ondulent doucement au gré du courant. Une sole se pose à quelques mètres, sa peau prend la couleur et même la texture du sable environnant. En approchant lentement, on distingue ses yeux qui roulent sur l'arrière, la confiance dans son camouflage à des limites ...
Et toujours ces petits poissons papillons sympathiques à l'oeil rehaussé de jaune qui viennent dévisager le plongeur devant le masque. Un banc de centaines de caranques juvéniles passe autour de nous en zigzaguant nerveusement. Un réel plaisir de se mouvoir dans cet aquarium. A la petite séance de décompression avant d'émerger nous observons un long poisson trompette qui avance sans en avoir l'air, sa toute fine nageoire dorsale frémit seulement.
"Crusader" à Ian et Paulette, nous accompagnera le lendemain, le temps d'une escale dans la très blanche et circulaire plage de Salt Whistle Bay sur Mayereau, le temps d'une balade sur le sommet de l'île. Une église y a été bâtie et la vue sur les Grenadines est magnifique.
L'arrivée du lendemain à St George's Harbour est foireuse, le corps mort se rebiffe. La loi des ... est d'application : à une erreur, suit une bourde qui entraîne une gaffe (celle-ci est déjà à l'eau). L'épisode finit dans le burlesque : Alban à la dérive sur l'annexe et le Captain à l'eau avec une amarre ... Le ridicule ne tue plus, il amuse les badauds et égratigne l'amour-propre et la jupe arrière. Là-dessus, qu'est-ce qu'on boit ?
Nous allons nous remettre devant une bière fraîche au bar du Club House et nous nous retrouvons par hasard entraînés dans la compétition de billard de Club. Le résultat est surprenant : Captain second et Alban troisième ! (il y a des tronches locales qui s'allongent ...) Nos prix : chacun une bonne bouteille de vin et un bon d'achat chez le shipchandler du port. Merci à vous, le pinard était excellent et on s'est bien amusé !
Nous terminons notre escale grenadienne par une balade dans l'île avec Claudius. Taximan cool, il nous mène d'une conduite détendue (ouf !) sur les sommets de l'île, dans les plantations de muscadiers (spécialité de Grenada) et dans la forêt tropicale. Un tour dans la verdure et en altitude fait du bien à nos carcasses de marins.
Nous questionnons notre chauffeur pour savoir pourquoi les fruits et légumes viennent pour la plupart des USA ou du Canada. Ces denrées sont tellement chères qu'elles sont vendues à l'unité (pommes, carottes, tomates, patates, ...). En fait il semble que les habitants des Grenadines ne soient pas intéressés par la culture potagère et subissent (par tradition, par manque d'ardeur ?) un coût de vie exorbitant au lieu de cultiver des lopins que l'humidité et la chaleur ne demandent qu'à faire prospérer. Mystère et boules de gomme ...
Une dernière escale dans une des baies sud de Grenade (Hog island), bien protégée de la houle par une longue chicane de récifs coralliens. C'est impressionnant de voir le "Z" du sillage entre les zones où la mer brise et écume. Quel confort ensuite : de la brise pour rafraîchir et un plan d'eau calme ...
Pas de chance pour faire notre Clear out, tous les douaniers du pays sont en conférence ... ailleurs que dans les postes de douane ! Finalement c'est de justesse qu'on en récupère un de l'aéroport qui accepte de se déplacer. Rontujûûû
La descente de 80 milles vers Trinidad est étonnamment délicieuse après ces semaines de vent fort et contraire (merci Eole et Neptune), 15 noeuds vent de travers et une mer plate. Rare dans la région. Le sud Antilles ne nous y avait pas habitué ! Caramel se fait et nous fait plaisir en glissant sur l'eau toutes voiles dehors, bien calé sur tribord.
Nous revoici à Trinidad pour une sortie de l'eau et un carénage. Alban et Marie-Claire repartent vers l'Europe le 18 juin et le Captain suit le 21. C'est bon de revoir la famille et les amis. Pour les euros, il y aura une longueur de retard ...
Que retiendrons-nous des Antilles sud ? La réponse est mitigée : de belles cartes postales avec plages et cocotiers, de beaux mouillages aux eaux turquoises, pratiquement 25 noeuds de vent permanent, des habitants peu amènes et non communicatifs, un aspirateur à dollars ... en d'autres termes : un pays de vacances assez creux et sans beaucoup d'âme, bref une grande piscine avec des douaniers comme maître-nageurs.
C'est évidemment un avis personnel. Merci de nous faire part du vôtre car quelque chose nous a peut-être échappé !
A très bientôt Caramel pour de nouvelles aventures sud américaines car changement de programme : plus de remontée sur les USA.
Catherine & Patrick
Terminé à Chacachacaré - Trinidad (encore), accroché par un bout à quelques mètres du rivage, dans le concert plaisant des oiseaux de la forêt - 14 juin 2002