Disons le tout de suite, cette traversée a été merveilleuse. Si le vent n'a pas été immédiatement au rendez-vous, nous avons eu des conditions de mer idéales. C'est difficile de le faire ressentir par des mots, parce cela doit se vivre.
48 Heures de moteur pour commencer, nous en entendons plus d'un grincer des dents, mais le moteur de Caramel est assez silencieux et c'est une bonne mise en conditions pour nous re-roder au large et au rythme des quarts de nuit. Il fait très chaud, la capote et le bimini nous protègent. Nous mettons en panne le premier jour pour nager le long du bateau, sécurisés tout de même par une amarre sur l'arrière.
Nous touchons le vent le troisième jour, une brise légère de 3/4 arrière. C'est parfait pour sortir la toile de couleur : un spi asymétrique sur le grand mât et un autre sur le mât d'artimon. C'est la première fois que nous nous mettons dans cette configuration : belle photo à prendre, mais malheureusement il faudrait la prendre d'un autre bateau pour avoir un peu de perspective et tous les participants du rallye sont déjà dispersés sur une ligne de 70 miles de long.
Nous envoyons la brise Yanmar la 3ème nuit et chance, le quatrième jour, le vent est régulier : plein arrière de 12 à 22 nœuds. C'est le point fort du Super Maramu : 2 génois tangonnés sur l'avant du bateau et en avant toute, la vitesse oscille entre 7 et 10 nœuds. Sur 48 heures, nous remontons pratiquement toute la flottille et dépassons un bonne partie des bateaux partis 24 heures avant nous. La mer se forme un peu, surtout à cause d'une grosse dépression en Atlantique nord qui nous envoie une houle de nord de 2 à 3 mètres. Le pilote automatique fait merveille dans cette mer formée. On se sent en sécurité.
Les nuits sont belles, l'air est très pur et la lune est pleine, on voit comme en plein jour. Nous sommes à 18°N de latitude et l'étoile polaire commence sérieusement à baisser au nord de notre horizon. Nous établissons nos quarts suivant les affinités de chacun : Daniel jusqu'à 01h00, Patrick jusqu'à 04 ou 05 h00, ensuite Catherine jusqu'à 08 ou 09h00. La journée, chacun vaque à ses occupations : lecture, mots croisés, pêche, navigation et siestes pour récupérer des heures manquantes.
En mer, le temps passe très vite, contrairement à ce que les non-marins peuvent penser. Parfois les distractions viennent toutes seules à nous, comme cet espadon faisant des galipettes à côté de nous la nuit ou cet oiseau inconnu qui épuisé viendra prendre du repos sur le moteur hors bord (en déféquant de tout son saoul durant une heure) avant de repartir vers l'Afrique, la tortue marine que nous dépassons et le banc de globicéphales (gros dauphins à tête ronde et sans bec) qui prennent leurs aises à la proue.
Le matin, nous ramassons les poissons volants qui ont pris Caramel pour piste d'atterrissage. Nous passons du temps à les observer : au passage du bateau près d'un banc, ils décollent de l'eau d'un vigoureux battement de nageoires pectorales. Elles sont tellement développées, qu'elles font les 2/3 de la longueur du poisson. Une fois le corps pratiquement sorti de l'eau, ils battent furieusement de la queue encore immergée pour donner de l'accélération. Et hop, planning sur 20 à 30 mètres avec virages à gauche ou à droite suivant l'humeur du moment et montée ou descente au-dessus des vagues si nécessaire. C'est étonnant de voir voler ces flèches argentées par bancs entiers.
Deux vacations radios quotidiennes permettent aux bateaux de signaler leur position et accessoirement le résultat de leur pêche ou de leurs essais culinaires. Caramel prend note des positions et les expédient tous les matins par e-mail à Montpellier où elles sont transposées sur le site web du rallye. Une anomalie terrestre étend la portée de la radio VHF à plus de 140 miles au départ de Ténérife, ce qui autorise pendant les 2 premiers jours une communication entre-nous uniquement par ce biais, alors que la portée normale est de 50 miles. Ensuite, la radio BLU prendra le relais.
Aucun de nous n'est incommodé par la mer et Catherine comme à l'habitude met un point d'honneur à cuisiner comme à terre. Les conserves de verre faites à terre ne résistent malheureusement pas aux mouvements du bateau. C'est un peu incompréhensible, mais nous devons jeter une dizaine de préparations qui ont perdu leur stérilisation (bonjour l'odeur). Nous décidons de consommer assez rapidement celles qui nous restent. Les fruits et légumes de Ténérife ne se conservent pas bien, car ils font souvent de longs séjours en frigo avant l'étal. Nous mangeons rapidement les courgettes et les aubergines. Pour les bananes, c'est pire : 2 jours et elles commencent à se piquer.
Peu importe, nous sommes toujours motivés par la pêche, surtout Daniel (le Captain et la first Mate ont déjà perdu leurs illusions) et nous mouillons deux lignes de traîne. Miracle, une bonite suicidaire ou un peu éméchée s'en prend à notre petit poulpe bleu en silicone bleu métallisé équipé d'une hélice sur l'avant pour imiter le bruit d'un animal blessé (tout un programme). La canne ploie, le fil se tend et le moulinet débobine dans un bruit de crécelle. Branle-bas de combat, Daniel fatigue le poisson tandis que le Captain remonte la deuxième ligne et Catherine prépare le seau, l'épuisette et la gaffe à crocheter à tout hasard.
Beau spécimen de 40 cm que nous remontons facilement, suivi dans d'un second une heure après. Nous sommes très fiers. Daniel nous découpe la poiscaille en filets et Catherine les cuits meunière. Pas mauvais, mais il nous manque un peu de citron. Il est rationné, parce que nous avons oublié d'en faire provision au départ (gare au scorbut).
Le 5ème jour après déjeuner, le vent tombe à 6 nœuds et le bateau n'avance plus qu'à trois nœuds. Nous sommes à 70 miles du but et décidons de relancer la mécanique pour arriver. A la tombée du jour, Santo Antao se dessine dans une brume de chaleur, bientôt accompagnée de sa petite sœur Sao Vincente.
Nous mouillons dans la rade de Mindelo sur Sao Vincente à 01h30 le 01 novembre. Deux bateaux sont déjà arrivés. Philippe et Yann nous ont attendus sur le quai pour nous guider au mouillage. Très sympa de leur part. Le reste de la troupe arrivera demain dans la journée. Papotage radio avec les deux bateaux pour échanger nos premières impressions de traversée et dodo pour une nuit presque complète.
Mindelo, nous ne sommes plus ici en Europe comme aux Canaries, mais pas en Afrique cependant. Le Cap Vert et ses habitants ont une personnalité propre. Le métissage de la population, longtemps soumise à la colonisation portugaise donne lieu à une variété de couleurs de peau, de cheveux et d'yeux. Les visages ont souvent des traits fins et des yeux clairs.
Le lendemain matin, nous apercevons nos amis belges de Baligand. Nous nous connaissons déjà depuis la Belgique et Tenerife. Il sont arrivés quelques jours plus tôt et nous nous amarrons près d'eux sur un vieux bateau hôtel qui naviguait jadis sur le Rhin. Il est arrivé ici par ses propres moyens et il ne reste plus grand chose de son faste d'antan mais c'est parfait comme appontement (il ne sert d'ailleurs qu'à cela) : nous y avons de l'électricité et de l'eau, c'est inespéré dans ces îles. Un service de navette nous permet de traverser les 150 m qui nous séparent du rivage. C’est particulièrement précieux quand on sait le risque de vol d'annexe sur la berge de Mindelo. Bref tout le confort. Jo, le sympathique jeune capverdien qui garde le "ponton" a vécu à Marseille et sera notre conseiller pour notre séjour.
La première balade à Mindelo garantit le dépaysement, surtout du côté du marché aux poissons. Dans ce marché couvert, les étals reluisent les écailles colorées d'espèces variées connues ou inconnues le plus souvent. Nous marchons d'un pas rapide entre deux zones plus ou moins aérées qui nous permettent de reprendre de l'air avant une nouvelle apnée. Sensations (olfactives) fortes. Des tronçons sanguinolents d'énormes thons voisinent avec des poulpes, des maquereaux, des bonites. Des crabes vivants dégringolent des paniers, les langoustes se vendent par seau. A l'entrée un groupe d'hommes sale (yapa de fôte, ça vient du verbe saler …) un très gros filet méconnaissable et le jette sur un tas déjà traité à même le sol. Déjà nous sommes de retour dans la rue. L'animation est aussi grande, des femmes ressortent avec les poissons tranchés en darnes dans des bassines et les mettent en vente aussitôt. Les clients négocient, les affaires se concluent. En peu de temps le poisson passera entre trois ou quatre mains avant le consommateur.
Nous faisons un saut à la banque pour prendre des sous avec la VISA, sésame des voyageurs. Tout se règle rapidement au travers d'un change sur le dollar et nous enchaînons vers le marché couvert des fruits et légumes. Ici c'est le domaine des femmes. Toutes nous arrêtent pour vanter leurs produits, leurs prix. Parlons en des prix. Les fruits et légumes sont très chers au Cap Vert, car la production locale est faible. Souvent ils sont importés du Portugal, les pommes et les tomates coûtent entre 3 et 4 euros le Kg. Bien sûr le client local ne paye pas le même prix que le touriste et il faut négocier âprement. C'est un bon exercice pour notre futur séjour au Sénégal.
L'Alliance française est très active à Mindelo et la langue française comprise par beaucoup de Capverdiens, puisque c'est la seconde langue nationale après le portugais. Nous allons saluer le directeur et Catherine parraine l'éducation française d'un petit Capverdien. Nous avions apporté pour eux de France, du matériel d'écriture et laissons également toutes les revues encore au bateau.
Dans la journée, tous les participants du Rallye sont arrivés et l'organisateur nous convie à une soirée de bienvenue. Music Bar, c'est dans ce très sympathique bistrot à l'étage d'une vieille maison coloniale du centre de Mindelo que le Rallye nous emmène ce soir. Musique capverdienne tous les soirs. C'est d'abord une excellente soirée où nos camarades de croisière font vraiment connaissance. Nous échangeons nos impressions et nos expériences de traversée, nous mettons avec plus de précision des têtes sur les noms et les voix des vacations radio. Mais c'est aussi une soirée magique pour la découverte de la musique de ces îles, rencontre entre la douceur lusitanienne et le rythme africain. Un guitariste, quelques accords, un percussionniste aux congas, une voix empreinte de chaleur et nous sommes transportés dans la "sodade", nostalgie heureuse d'un pays pauvre mais insouciant.
Nos amis de Baligand sont revenus d'une excursion de 2 jours à San Antao, la grande île voisine. Nous reprenons le même guide qu'eux et partons le surlendemain avec le ferry. Les accélérations de vent entre les îles ne sont pas un légende. Ici plus encore qu'aux Canaries, il faut s'en méfier et c'est dans une mer courte et blanchie par les embruns que nous traversons le petit détroit entre les îles.
Nous faisons connaissance avec Silverio, notre guide puis avec notre chauffeur et notre mini bus. Silverio a 27 ans. Le corps mince et élancé, il est très noir de peau et a les traits fins, il parle quatre langues apprises sur le tas ou dans ses lectures. Car il lit beaucoup et est un peu poète à ses heures. Il dessine très bien et parle bien de la nature avec laquelle il entretient une relation amoureuse. Le doigt de la chance l'a touché, il est un peu devin mais le dévoile avec modestie. Après deux jours en sa compagnie, nous nous laisserons convaincre mais cela reste un jardin secret et il vous appartient d'aller vous promener avec lui en montagne pour vous faire votre opinion.
Toutefois, même sans Silverio, la beauté et les vues plongeantes du centre de l'île valent à elles seules un déplacement au Cap Vert. Surtout qu'en y accostant, on se demande ce que l'on est venu y faire. Le relief est râpé et les couleurs sont ternes, le vent et le soleil laminent toute tentative de la moindre radicelle de faire pousser une tige. Nous sommes donc perplexes durant l'ascension serpentante de ce côté de l'île, puis tout à coup, on bascule dans un autre monde, de l'autre côté (au nord) de la crête tout est vert, miracle du à la rétention des nuages sur cette face.
On redescend dans le centre de l'île entre les forêts de pins et d'eucalyptus, les cultures de cannes à sucre en milliers de terrasses et la fraîcheur de l'altitude. Silverio nous mène aujourd'hui sur un chemin de crête emprunté par les ânes. Parfois, il ne faut pas avoir le vertige. Quel contraste avec la sécheresse du "monde extérieur". On entend enfin des oiseaux. Le Captain et Daniel ramassent de curieuses grosses pommes de pin dont le bout des écailles semble être en céramique verte. Notre guide nous instruit sur la flore et indique quelques vertus médicinales en usage.
Le soir nous dormons dans une pension très simple où premier travail de Catherine est de pister les araignées, tandis que Patrick s'inquiète de savoir si le plafond en carton passera la nuit au-dessus ou sur nos têtes. Daniel fait plus fort : à 23h00 la porte de sa chambre se referme alors qu'il est dans la salle de bain commune et c'est heureusement en caleçon qu'il hélera dans la rue le dernier badaud (les Capverdiens se couchent tôt) qui lui-même appellera la police, qui appellera le propriétaire qui dormait et qui n'avait pas de clé de réserve, bref beaucoup de monde dans l'heure qui a suivi pour dresser l'échelle sur la façade afin de rentrer par la fenêtre…
La marche du lendemain est inoubliable. Nous montons en voiture dans l'ancien cratère du centre de l'île qui est maintenant cultivé : la Caldeira. Nous longeons les champs de maïs et crapahutons durant une demi-heure vers la lèvre du cratère. De là, une vue à couper le souffle : toute la vallée St Paul jusqu'à la mer, verte et inondée de lumière. Partout des contre-vallées escarpées et des éminences isolées enrichissent le paysage.
Nous allons maintenant descendre par le "trottoir" des cultivateurs, c'est en effet un trottoir pavé de 80 cm de large serpentant le long de la falaise dont la pente doit faire approximativement 70 degrés. Il est emprunté par les ouvriers agricoles qui cultivent la Caldeira. En avant, pentes et escaliers se succèdent, de temps en temps nous nous arrêtons pour souffler, on s'assied et on contemple dans un silence sidéral. Pas un bruit de vent, pourtant nous avons l'impression d'être accroché sur la falaise, tellement la vue est plongeante. Après 3 heures de descente et 77 virages, nos orteils sont retournés dans nos chaussures.
Nous arrivons enfin au premier village. Des enfants viennent à nous. Ils offrent à Catherine une fleur sauvage, en échange elle leur donne des bonbons dont ils raffolent. Le tamtam fonctionne et à la sortie du village elle n'a plus de friandises, mais ses mains tiennent un bouquet.
Nous traversons des "jardins" de fruits tropicaux : grenades, papayes, citrons, oranges, goyaves, bananes, mangues, noix de cajou, café, tout pousse ici puisqu'il fait 28 degrés toute l'année et que l'eau ne manque pas. La nature en perd ses saisons, parfois certains arbres ont une face en fleurs, l'autre en fruits.
Au Cap Vert les gens sont pauvres, mais pas miséreux, tout le monde mange à sa faim. Pourtant comment exprimer la gêne que nous ressentons de voir un peu de tristesse dans leurs yeux, beaucoup de timidité de nos échanges fugaces. Même entre-eux, le rire franc semble rarement de mise. La dictature communiste dont ils se sont débarrassés depuis 10 ans en est peut-être responsable, ou alors la "Sodade" nationale. Nous n'avons pas trouvé la réponse et notre voyage est trop rapide pour appréhender cette question.
Notre marche continue et nous visitons un pressoir à cannes à sucre. C'est la culture locale. Cette plante rustique pousse facilement et après récolte, les tiges sont écrasées entre deux gros cylindres d'acier, entraînés par un grand levier rotatif attelé à un bœuf. Le jus s'écoule dans une bassine afin de fermenter. On en tire une mélasse brune appelée "miel". On la distille également dans un alambic très artisanal pour produire un rhum local appelé "Grogue". Cette boisson de 40 degrés arrache un peu les tripes non averties et fait hélas des dégâts dans la population. Finalement le Rhum dans ses diverses déclinaisons est un produit très Atlantique, on le distille aux Canaries, au Cap Vert, aux Antilles, aux USA. Notre route se confondrait-elle avec la route du Rhum ?
Retour à Mindelo, la tête encore dans les cimes verdoyantes. Nous saluons notre voisine de "ponton" qui est sur un bateau de location. Dans un français hésitant, elle nous demande si c'est du basilicum dans le jardin de Catherine. Nous échangeons quelques mots et par bribes nous apprenons progressivement que son ami et elle (allemands) ont loué ce voilier avec un skipper pour une semaine et que 2 jours avant, lors d'un plongeon de routine pour vérifier la tenue de l'ancre devant la plage d'une île voisine, son compagnon s'est fait attaquer par un requin, malgré la présence de trois autres bateaux autour d'eux et d'une demi-douzaine d'autres nageurs.
Deux attaques en quelques secondes à un membre inférieur et supérieur. Le skipper parvient à le remonter dans l'annexe, mais le malheureux s'éteint dans les minutes qui suivent, victime de ses hémorragies.
Cette description brève vous explique les faits froidement, mais je peux vous assurer que nous étions bouleversés tous les trois devant la souffrance et le courage de cette femme. Ceci remet à leurs justes places : la valeur de la vie, la chance que nous avons et la dure fatalité de la rencontre avec notre destin.
Renseignements pris auprès des autorités, il se révèle évidemment que c'est un accident rarissime, plus vu depuis 40 ans et l'affaire sera probablement étouffée pour ne pas effrayer le touriste. Pourtant les guides nautiques indiquent la présence de ces prédateurs dans les eaux capverdiennes car elles sont très poissonneuses.
Les Cap Verdiens disent aussi : la mer c'est pour regarder, pas pour nager. A Boa Vista, nous verrons les jeunes qui pêchent depuis la plage des requins de sable simplement avec un fil nylon un hameçon et leurs mains nues. A bon entendeur …
Après les pleins de gasoil et d'eau, nous quittons San Vincente et sa capitale Mindelo pour une navigation d'une journée vers San Nicolao.
A Tarrafal, nous sommes accueillis comme des princes par la mairie. Le maire met son appartement à disposition et la communauté nous régale d'un repas capverdiens où nous découvrons de délicieux beignets de bananes. Dans son speech, l'édile nous souhaite la bienvenue et suggère que nous fassions auprès de nos proches la promotion touristique des îles. Que de moyens pour toucher une petite cible. C'est une festivité touchante de gentillesse.
Le lendemain, nous partons en excursion dans une vallée verte du centre de l'île. Ici c'est moins spectaculaire mais plus campagnard et rustique que San Antao. La vie des habitants est plus simple, faute de moyens. Nous terminons notre périple par une baignade dans une piscine naturelle qui se forme à marée basse dans un recoin de la falaise sud.
Nous barbotons dans une eau à plus de 30 degrés en compagnie d'une colonie de petits poissons gobant l'air en surface, pas du tout dérangés par notre présence. La marée monte, les vagues éclatent près de nous, il est temps de rentrer.
Une nuit de navigation nous porte vers la dernière île visitée : Boa Vista. Nous passons ici dans le groupe des îles de l'est. Le relief et la topographie sont différents. Ce ne sont ici que longues plages de sable clair, de dunes en arrière littoral et quelques vieux volcans dodus dans le paysage.
Les essais de reboisement ont échoués car la terre est trop aride et la pluviométrie trop faible. Boa Vista est condamnée à devenir un désert de sable, comme le montre les anciennes palmeraies où ne se dressent plus que des troncs fantômes. Le tourisme semble par contre prendre un peu d'essor, les plages attirent les européens et le vent les véli-surfeurs. Nous ne tarderons pas à comprendre que les simples surfeurs y trouvent également leur compte.
Les seconde et troisième nuits à Sal Rey de Boa Vista, nous devons composer avec le vent qui oriente les bateaux avec le cul vers le large et la houle de l'océan qui rentre dans la baie en déferlant sur lesdits culs les plus proches de la plage. Deux bateaux remplissent le cockpit (à l'ancre !) et un autre voit le bossoir de son annexe plié. De larges vagues roulent sur la plage dans un grondement sourd.
Basta, on en marre, c'est trop inconfortable et c'est le moment de quitter l'archipel pour Dakar. Nous partons avec le premier groupe de bateaux afin d'arriver au plus tôt à Dakar, car Daniel à un billet de retour SABENA, mise en faillite dix jours plus tôt. Le malheureux en sera quitte pour un nouveau billet plein tarif. Chères vacances …
Dakar est presque à la même latitude que Boa Vista et c'est au près bon plein que nous remontons vers l'est (cad contre le vent). Depuis l'Europe, nous n'avons plus fait de près et on a un peu perdu (quel bonheur) l'habitude de la gîte. Finalement nous faisons route sur un seul bord à une très bonne vitesse moyenne en 50 heures.
L'arrivée au petit matin dans la Anse Bernard devant le palais présidentiel se fera en slalomant entre les pirogues des pêcheurs, difficiles à voir dans ce soleil levant sur une mer argentée. Il a fallu une autorisation de la présidence pour que le Rallye puisse mouiller dans la plus belle baie de Dakar.
Plouf, l'ancre tombe au jus en face de la piscine de l'hôtel Teranga. On pourrait être plus mal. Le mouillage est confortable et nous avons la petite plage privée de l'hôtel pour laisser nos annexes.
A nous l'Afrique.
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Catherine & Patrick à bord de Caramel - Foundioune sur la rivière Saloum - Sénégal - 25/11/2001