Voyage 2005 - 2007

de Caramel

CHAPITRE 03 : TRAVERSEE TRANSATLANTIQUE


Dakar - Salvador de Bahia



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‍            Dernières couleurs africaines










Quittant l’Europe sous la neige, l’équipage s'est installé à bord de Caramel. Didier, Gaétan et Alain sont venus pour en découdre avec une première transat que tout voileux qui se respecte, place haut sur l'autel des mythes à croquer. Catherine reprend l'avion pour Paris où un climat glacial règne en cette fin d'année. Elle nous a bien aidé à préparer l'avitaillement de la transat.


J'ai passé une dernière mauvaise nuit au mouillage. Etait-ce le mouillage plus agité que d'habitude, l'excitation du départ ou l'excès de vin blanc de la soirée. Peu importe, c'est le grand jour.



Préparation de la transat


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LA TRANSAT

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Vendredi 02 décembre 2005

Je m'occupe prestement pour chasser de mon esprit que nous partons un vendredi, ce que les anciens considéraient comme néfaste par superstition. Avant le départ, un dernier pain est lancé dans la machine, nous rangeons le dinghy sur le pont, gréons les tangons à poste, vérifions que tout est calé à l'intérieur, puis levons l'ancre à 09h30. Le mouillage est quitté au son des cornes de brume des copains qui partent les jours suivants (pour cause de bateaux plus rapides). Caramel qui adore faire du bruit en ces occasions, contre-corne de brume jusqu'à extinction de gaz dans la bouteille.


Le ciel est bleu limpide, la mer est belle, l'horizon est à nous. En virant le Cap Manuel, nous trouvons une brise de 15 nœuds qui gonfle joliment nos voiles d'avant colorées, nous emportant sur les flots du Grand Océan.


Mais Eole étant demandé ailleurs, son souffle retombe bien vite. Dès l'après midi, nous devons avancer au moteur. Début de nuit, comme pour s'excuser, Eole nous renvoie un peu de NE mais nous sommes sous-toilés et le resterons jusqu'au petit matin. Je n’ai pas envie de regréer de nuit les tangons compliqués d'Amel.


Vu son expérience, Didier est nommé skipper en second, il prend en charge la navigation et la météo. Il nous surprend en prenant en charge le rôle de chef coq.


Gaétan est nommé opérateur radio pour les vacations avec le Rallye. Il hérite également de la plonge (la vaisselle, pas Cousteau). Alain gère les ressources de la mer et le prélèvement qu'il y fera avec nos trois cannes. S'il reste du temps entre les campagnes de pêche, il aidera Gaétan à la vaisselle.


Et le Capitaine dans tout cela ? Disons, qu'il se fait transparent pour que l'équipage puisse vivre pleinement sa transat. Je profite de toutes ces bonnes volontés pour prendre la distance qui sied au « Pacha » du navire.


Au crépuscule, nous sommes envahis par une légion de petits papillons blancs qui poursuivent Caramel, formant un sillage de pétales lumineux. On dirait la voie lactée …


Au dîner, il a été servi : filet de porc mariné au citron et au vin blanc avec une ratatouille d'aubergines et de courgettes. Crème vanille et chocolat. Corbière St Martin du Lac 2002, Médaille d'or à Macon en 2004.




Samedi 03 décembre 2005

Au petit matin, les papillons ont disparu pour laisser place à une colonie de moucherons et de mites au teint brun poudré. Ils chatouillent nos peaux exposées à un faible vent arrière qui ne rafraîchit pas.


Nous avançons modestement sous nos deux voiles d'avant quand nos trois cannes touchent en même temps. Alain perd sa prise, je remonte une petite bonite et Gaétan s'escrime avec client plus sérieux. Je te remonte, tu me reprends, le petit jeu se termine vite. La ligne devient molle, le fil se rembobine aisément. Plus rien au bout. Alain fait les comptes de la journée : 5 leurres perdus dont le super Rapala gros comme un hareng qui a des couleurs de maquereau et qui siffle comme un colibri. Tout un programme. Chère la pêche !


Pour nous divertir, nous nous installons tous les quatre dans le cockpit, une bassine au milieu de nous et pelons des patates en se racontant … des histoires de service militaire.


Au dîner, il a été servi : filet de bonite meunière, haricots princesses frais, pommes de terre nature. Suivi d'un camembert sur toast et d'une crème pistache réfrigérée. Bière car pas de vin blanc au frigo.




Dimanche 04 décembre 2005

00h30, loin au nord et sous l'horizon, un halo lumineux progresse comme un spectre. L’AIS nous informe que ce n'est que le cargo « Melody » qui fait cap au NW à 20 milles. J'aime bien la rencontre de la poésie et de la technologie.


Le vent câline une mer calme d'un zéphyr chaud. Caramel gambade à 5 nœuds. Nous n'avons pas encore vu de dauphins, mais des milliers d'exocets (poissons volants) qui s'envolent à notre approche.


Des groupes d'oiseaux tiennent de mystérieux conciliabules sur l'eau. A notre passage, pétrels, labbes et mouettes pédalent rapidement avant de prendre l'air en jetant un regard agacé.


Des houles croisées de NE et de S nous font rouler désagréablement. Les voiles claquent et faseyent dans ces coups de roulis, trop peu soutenues par le vent. Il fait chaud, le vent tombe à nouveau. Moteur.


Caramel est très sale, les derniers jours à Dakar et le séjour au Cap Vert ont dessiné des longues trainées noires sur les mâts. Le pont est couvert de poussière brune, cadeau du Sénégal. Vivement les grains du pot-au-noir pour lessiver tout ça.


Sympa, de gros grillons noirs donnent un concert provençal au déjeuner. Tout ce petit monde remplace les moucherons et les mites dont les cadavres jonchent le pont.


En soirée, nous voyons les premiers petits nuages blancs qui ouatent le ciel, précurseurs de leurs grands frères gonflés de pluie qui sont plus au sud.


Dzzzing : grosse prise sur la canne tribord. Le fil part en sifflant puis bang, plus rien tout est parti … « Ça a lâché ! » s'exclame à nouveau Alain. Vous imaginez la poiscaille qui tire le leurre juste pour débobiner le fil, faisant bondir notre taux d'adrénaline, puis relâchant prise en se marrant. J'aime de moins en moins le poisson.


Au dîner, il a été servi : steak sauce moutarde, pommes de terre rissolées, salade de laitue. Carpaccio d'ananas frais. Corbière 2002 de la cale à vin.




Lundi 05 décembre 2005

Je suis crevé. J'ai du mal à me tenir éveillé durant mon quart de 00h00 à 02h30. Surmenage probablement … Pourtant j'ai un très bon bouquin. Alors je passe le temps le nez en l'air. J'ai perdu depuis longtemps la Grande Ourse et la Croix du Sud ne s'est pas encore dévoilée. Heureusement, je ne me lasse pas de regarder le baudrier d'Orion qui est une des plus belles constellations.


Il y a plus d'air aujourd'hui et nous pouvons renvoyer les voiles d'avant.


Re-dzzzing, Alain a une grosse touche sur la canne bâbord. Une petite bataille oppose durant dix minutes le pêcheur et une belle dorade coryphène d'un mètre. Gaétan la croche à l'eau et la ramène sur le pont dans la grande bassine bleue, l'antichambre de la mort. Une rasade de rhum vénézuélien dans les ouïes achève son trépas. Avec lui, disparaissent les belles couleurs vertes métallisées du poisson. Rapidement levé en filets, le poisson se retrouve au congelo. Il y a encore du steak dégelé pour ce soir. La pêche est terminée pour aujourd'hui.


L'après-midi est bien plaisante avec une mer belle et une brise de NE qui pousse Caramel à 6 petits nœuds. On capte toujours une radio FM en portugais qui donne de la bonne musique (Guinée Bissau ?)


A l'apéro, la bande des quatre se retrouve sur le roof arrière pour deviser sur le coucher du soleil et la beauté des cumulus qui ne se font toujours pas menaçants.


A la vacation radio du soir, nous avons des nouvelles des bateaux partis avant nous, ils n'ont pas beaucoup de vent, même dans l’option de route à l'ouest.


Aujourd'hui, il a été servi : Steak au poivre vert, pommes de terre nature, salade de laitue. Emmental puis glace vanille à la brésilienne pour avoir un avant goût. Le rouge de Corbière habituel (que le lecteur ne pense pas tout de suite qu'il n'y a que cela à boire, mais last in - first out, c'est le dessus de notre cale à vin).




Mardi 06 décembre 2005

00h00, c'est le changement de quart. Gaétan descend et je monte. Il me prévient qu'un cargo est visible sur l’AIS. Nos routes vont se croiser de près. Coup d'œil aux jumelles, les feux apparaissent clairement. Sur le canal 16 de la radio VHF , je converse quelques minutes avec l'homme de quart. C'est l' « Amazon Explorer » qui va livrer son pétrole brut brésilien en Afrique de l'ouest. Il me signale qu'il a croisé la régate « La route du Café » sur le chemin inverse voici quinze jours. Je lui explique que nous sommes 24 voiliers et qu'il risque de croiser d'autres bateaux cette nuit.


05h00 du matin. St Nicolas passe tôt cette année. Il a déposé un grillon mélomane dans la cabine arrière. Dans ma couchette, à moitié endormi, j'essaie de localiser la source sonore. Je crois la trouver sous un équipet où j'envoie un jet d'insecticide rageur. Rien n'y fait le musicien entonne de plus belle. Je me lève et tire quelques rafales dans le noir, avant de me rendre compte que l'insecte est dehors, sur le pont. Dans un dernier accès de rage, je bombe au hasard par le hublot et me recouche. Au grand lever, je retrouve l'insecte mort au pied du lit, les élytres en croix. Une dernière bravade ? Mystère et boule de cristal. J'espère que nous serons bientôt quittes de ces envahisseurs.


Toujours pas le moindre grain en vue, ni aux jumelles, ni au radar. Caramel est toujours aussi poussiéreux. La journée est active. Le vent donne un peu au sud et nous ne pouvons plus garder les voiles d'avant tangonnées. Le vent vient de travers, c'est le moment d'envoyer nos spinnakers, celui du grand mât et celui d'artimon.


Quel beau spectacle que ces voiles colorées qui poussent le bateau avec grâce. Malheureusement, nous n'avons jamais assez de recul pour en faire de belles photos. Il faut absolument que nous organisions cela dans un proche avenir avec un bateau ami. Didier propose à Alain de faire des photos depuis l'annexe …


Nous nous régalons pendant une bonne heure, le temps de tout régler et de contempler. Sur quoi, notre premier grain est en vue. Oh pas bien méchant, juste un grain de rodage, avec un peu de pluie et une brise à peine rafraîchissante.


Fin d'après-midi, deux baleines franches sont repérées sur bâbord. Elles sont immobiles et respirent à grands coups de souffle. Notre route nous fait passer à moins de 100 m d'elles. Arrivés à la hauteur de la première, nous avons droit à un sondage en règle avec la queue plate bien haute sur l'eau. Merci St Nicolas !


En fin de journée, la brise n'est plus qu'une caresse sur l'équipage réuni comme d'habitude à l'arrière pour contempler les aquarelles du soleil couchant sur le blanc des nuages. Moteur !


Aujourd'hui, il a été servi : filet de dorade au curry – riz basmati suivi d'une crème de pistache et arrosé d'un vin blanc de Lanzarote Vega de Yugo malvoisie.




Mercredi 07 décembre 2005

Au milieu de mon quart de nuit, j'arrête de bouquiner pour jeter un coup d'œil circulaire sur l'horizon et tenter d'apercevoir l'Etoile du Sud. Elle n'est pas encore visible. Puis je tombe sur la loupiote de navigation d'un autre voilier. Un coup de radar pour mesurer la distance qui nous sépare : 6 milles. Il s'agit de «Tuamitoo», parti 24 heures avant nous. Alain devra leur faire des appels de phare lors de son quart pour arriver à les joindre à la VHF. On roupille sec sur «Tuamitoo» !


Ça y est, nous sommes bien dans le pot-au-noir, la zone intertropicale de convergence (ZIC) qui marque la frontière entre les alizés de NE de l'hémisphère nord et ceux de SE de l'hémisphère sud. C'est une zone où les vents sont faibles, de directions variées mais surtout un endroit où les grains sous les cumulus peuvent être violents. L'horizon entier est décoré de ces nuages ouatés et lumineux sur fond de ciel d'azur. Le spectacle est unique.


Mais aujourd'hui, les nuages gris gorgés d'eau prennent bien soin d'éviter notre route. Nous ne pouvons que contempler la pluie qui tombe dru à quelques milles de nous. Rontudjûûû !


La nuit, nous laissons le radar allumé pour les voir avant que le vent ne forcisse et … pour fermer à temps tous les capots.


Aujourd'hui, il a été servi : Filets de poulet poêlés, ratatouille de courgettes et d'aubergines, pommes de terres rissolées. Quelques bières sénégalaises (Flag).




Jeudi 08 décembre 2005

00h30, sur le radar se dessine un énorme grain qui vient de l'Est. Je n'en ai jamais vu un d'une pareille taille : 12 milles de long sur plus de 3 de large. Youpiee, cette fois c'est pour nous. Des cataractes d'eau douce noient Caramel dans un crépitement de déluge. Les gouttes sont tellement grosses qu'elles rebondissent sur la surface de la mer en grosses perles éphémères. Le grain nous couve sur toute sa longueur, la crasse dégouline de partout. Caramel se délecte. Le Captain se planque sous la capote.


Le grain passé, le vent s'établit SE et la pluie cesse. Nous sommes sortis du pot-au-noir par la grande porte et à cet instant. Toutes voiles dehors, Caramel file à 8 nœuds, bien calé sur une gite de 15 degrés. L'allure est au bon plein, à 55 degrés du vent. Une allure qu'il affectionne surtout bâbord amure. Voici bien longtemps que nous ne sommes pas déplacés aussi vite. Le courant nous pousse un peu, la moyenne du jour risque d'être bonne.


La vie à bord s'établit avec une gite permanente. Tout devient plus difficile et il faut se réhabituer à cet étrange et anormal état d'équilibre. C'est surtout vrai pour Didier qui prend en charge la cuisine. Les autres ne lui disputant pas cette charge d'autant que le résultat est excellent. Se mouvoir à bord ou sauter le matin dans son short de bain demande plus d'adresse et de dextérité qu'avant.


Aujourd'hui, il a été servi : saucisses merguez – épinard. Eau. C'est notre plus misérable repas. On est tous mous.




Vendredi 09 décembre 2005

J'ai réduit un peu la toile pour la nuit mais Caramel court toujours 7 nœuds. Sur les 24 dernières heures, nous avons mangé 185 milles. L'équateur approche à grand pas sur la carte. Dans moins de 30 milles, nous y serons. Je sors le colis surprise du congélateur.


13h28. L'équateur est franchi à une heure civilisée. Pops ! le bouchon saute, l'équipage se partage la bouteille de champagne. Caramel a bien entendu droit à sa lampée.


Ce midi, il a été servi : Foie gras artisanal, toasts – grosse glace au chocolat et amandes – Champagne.


Le Capitaine ne mangera pas ce soir, il est excusé …




Samedi 10 décembre 2005

Le vent est régulier et adonne un peu. Nous sommes maintenant entre bon plein et petit largue. La vitesse monte un peu, cette nuit, nous serons en tête de la meute du Rallye. Il faut tout de même dire que nous sommes partis un jour avant les bateaux de notre classe car nous devions faire un rapide arrêt à Joao Pessoa pour saluer un copain. Malheureusement, cette option vient de tomber et nous continuerons notre route directement sur Salvador.


La lune est à moitié pleine et éclaire joliment la mer qui ondule par le travers.


Encore un cargo qui nous double cette nuit : le «NARBONNE MAERSK» (pas facile à prononcer en anglais). Je converse avec l'homme de quart, un asiatique à l'anglais peu compréhensible.


Nous ne voyons toujours pas de dauphins, mais nous avons notre content d'exocets et de labbes qui volent furtivement au ras des vagues.


Aujourd'hui, il a été servi : toasts au foie gras (pour finir les restes) – filet de porc au citron, poêlée d'endives, gratin dauphinois. Rouge de Corbière.




Dimanche 11 décembre 2005

Le vent est bien remonté cette nuit. Il oscille entre 20 et 25 nœuds. A 02h30, nous réduisons la toile. La vitesse est stabilisée à 8 nœuds. Un grand oiseau solitaire est dérangé dans son sommeil et s'envole à notre passage. Il nous accompagne quelques minutes en planant juste au-dessus du cockpit. Etrange vol de nuit.


C'est une nuit de grains, de vent et de pluie. Vivement la fin du quart. Allongé sur le lit et calé contre la planche antiroulis, je sens les longues glissades de la coque. Le corps est au repos, on a l'impression de ne pas avancer. Puis, dès que l'étrave heurte une vague ou qu'une autre soulève la poupe, ce moment de grâce se brise. Le corps du dormeur se fait soudain pesant et s'enfonce dans le matelas jusqu'à la prochaine glissade libératrice, dans le pétillement sonore des bulles d'écume.


L'étoile du Sud est enfin visible en fin de nuit au-dessus de l'horizon. Au fur et à mesure de notre avance vers l'Ouest, le soleil se couche de plus en plus tard. Il est grand temps de reculer nos montres et adopter une nouvelle heure uniquement maritime que nous appellerons « l'heure Caramel ». Il faudra encore retarder nos montres de deux heures à l'arrivée.


Le vent vient maintenant par le travers. Vingt petits nœuds d'un alizé régulier qui souffle sans fléchir de nuit comme de jour. Je commence à me sentir vraiment bien et de ne plus ressentir ce que j'appelle le « stress du propriétaire », syndrome qui affecte surtout les skippers (1/2 cerveau pour soi et 1/2 cerveau pour le bateau). Les équipiers étant généralement affranchis de cette pression et gardant une relative synchronisation de deux hémisphères.


Avec ce bon vent, l'éolienne de Caramel rempli bien son office et diminue de moitié le temps de recharge journalier du groupe électrogène. On lui pardonne bien d'être un peu bruyante dans le cockpit.


Aujourd'hui, il a été servi : penne, sauce bolognaise faite maison – crème glacée à la vanille de Madagascar sur un lit de brownie chocolat et noix – Vin de Bordeaux.




Lundi 12 décembre 2005

Nuit paisible, seulement distraite par un cargo qui nous croise à 2 milles. Nous avons abattu 193 milles ces 24 dernières heures, le record de la traversée.


L'ambiance à bord est bonne entre les quatre hommes et Caramel, bon Prince, donne le meilleur de lui-même pour être au diapason.


Cela commence à sentir l'écurie, Salvador est à moins de 400 milles. Nous captons notre première radio brésilienne, ambiance frevo. Tatatim tatata - Tatatim tatata , etc. Ça swingue dans le cockpit. Du coup, tous les équipiers plongent dans le guide du routard qu'ils ont chacun acheté !


Tous les jours, nous recevons des e-mails ou SMS Iridium des amis ou conjoints restés à terre. C'est beau la technologie moderne, mais un tantinet intrusif.


La lune est presque pleine et inonde de sa lumière froide le ciel et les jolis cumulus ouatés. On ne se lasse pas de ce spectacle nocturne. Je sais maintenant ce qui nous manque dans la vie terrestre : la contemplation du ciel nocturne durant les quarts !


Aujourd'hui, il a été servi : Dés de poulets sautés à la sauce indienne Korma, riz basmati – Bordeaux rouge.




Mardi 13 décembre 2005

Durant mon quart de nuit, le vent est monté à 22 nœuds. Caramel porte toute sa toile et surfe parfois à 10 nœuds sur la houle. Ce n'est pas vraiment utile et cela fatigue le matériel. J'enroule la voile d'artimon (mât arrière). Avec moins de puissance, la coque passe plus souplement dans la vague.


Comme tous les jours, Gaétan se bat avec la radio BLU pour noter la position des autres bateaux. Il apparaît à 09h00 que nous sommes toujours au devant du groupe et que trois bateaux sont encore juste au Nord de l'équateur. A la vacation du soir, nous entendons les équipages des monocoques qui commencent à fatiguer des ces longues journées à la gite dans une mer formée et les équipages des catas qui en ont marre de tout arrimer à bord. Il faut dire qu'ils ont perdu cette habitude.


Alain ne pêche plus depuis 4 jours. Nous avançons entre 7 et 9 nœuds ce qui est un peu rapide. Et arrêter le bateau par cette mer agitée peut être dangereux pour l'équilibre du pêcheur tout absorbé à la prise de sa proie. Pas de souci, notre congélateur est encore bien garni. Par contre nous avons achevé nos légumes frais et il ne reste plus que des oranges à la peau dure. Une saine occupation pour les quarts de nuit.


Ce matin, nous avons enfin droit à notre premier cargo croisé de jour, tous les autres étaient des nuitards. Contrairement à notre première transat sur Salvador, nous voyons beaucoup de cargos. L’AIS permet de les détecter de loin. Je reviens sur ma position lorsque je déclarais qu'on ne croise pas de cargos sur cette route. C'est faux.


17h00, deux touches sur les cannes remises à l'eau cet après-midi. Alain et Gaétan se précipitent pour régler le frein du moulinet et diminuer la vitesse du fil qui se débobine à toute allure. Cette fois c'est du gros. Didier aperçoit de belles daurades qui sautent hors de l'eau, prisonnières des leurres acérés.


C'est d'abord Alain qui annonce : « Ça a lâché … ». Soudain sage, sa canne ne remonte que du fil. Le poisson est parti, le leurre également. Et de sept…


Gaétan s'escrime toujours. Freiner – lâcher – freiner – lâcher. A ce petit jeu, le fil sera bientôt tout à la mer. La canne est presque pliée à angle droit. Puis «bang», la canne fouette l'air, le fil a cédé sur le moulinet. Et de huit. Une fortune, la pêche en mer, je vous le dis moi.


En attendant, il y a deux belles dorades qui nagent avec deux anchois en plastique dans la gueule, suivi de 150m de fil nylon. Propos sarcastiques de Didier …


Aujourd'hui, il a été servi : une pizza Caramel : fond de pâte feuilletée genre bric, fond de sauce aux tomates épicées, chorizo, olives, fromage. Le cuistot n'est pas du tout content de lui et râle. Les autres opinent prudemment du chef.




Mercredi 14 décembre 2005

Sur l'écran de la cartographie, nous longeons la côte brésilienne distante de 20 milles (36 kms) mais la lune presque pleine est trop lumineuse et nous empêche de voir les halos lumineux des villes côtières.


Le vent est maintenant arrière et nous déhale lentement à 5 nœuds sous voiles d'avant tangonnées. C'est bon de manœuvrer un peu après cinq jours sans vraiment toucher les voiles et la barre.


Philippe Bourgeat est arrivé à Salvador avec Albert Brel, journaliste à Voile Magazine. Il nous appelle en début d'après midi par téléphone pour connaître notre heure d'arrivée estimée, demain jeudi.


Aujourd'hui, il a été servi : entrecôte à l'os, sauce béarnaise, pommes de terre rissolées et haricots princesse. Crème glacée au choix. Vin de Bordeaux.


Un des meilleurs services de la transat. Bravo Didier (et bravo aux deux plongeurs qui effectuent sans sourciller cette tâche ingrate mais nécessaire).




Jeudi 15 décembre 2005

Bon sang, quelle belle dernière nuit. A peine notre diner terminé, le vent un peu mou de l'après-midi se renforce à 16 nœuds. Le génois tangonné et l'artimon poussent Caramel à 7 nœuds au ¾ arrière dans un silence divin.


Au milieu de la nuit, les premières lumières surgissent sous un horizon ondulant. La lune est tellement claire que je peux lire dans le cockpit. L'éclat des étoiles est bien timide sous cette domination.


A l'aube, nous croisons nos premières barques de pêche. La ville de Salvador pointe au bout de l'étrave. Je retrouve l'équipage au grand complet dans le cockpit. Ils veulent savourer ces derniers moments de la transat.


Lorsque les immeubles colorés et les tours modernes de la côte cèdent leurs places au phare de Barra, nous virons dans la Bahia de todos Santos (Baie de tous les Saints).


En prenant garde à ranger le trafic des cargos, Caramel arrive à la hauteur du fort de Sao Marcelo derrière lequel se nichent les pontons du Cercle Nautique de Bahia.


09h30 locale, l'accueil est pétaradant, à la brésilienne. Sur le quai, Philippe et Albert Brel, nous attendent an compagnie de représentants du Cercle Nautique et de Rosy en costume bahianais. Elle lie autour de notre poignet le ruban do Senhor do Bonfim. Tradition de bienvenue à Salvador. Trois nœuds = trois vœux qui s'exauceront peut-être lorsque le ruban cassera dans les mois qui suivront. Je n'ai seulement eu le temps de faire deux vœux …


Treize jours et deux heures et 2100 milles ont été nécessaires pour arriver dans la ville de la capoeira. Globalement cette traversée a été plus agréable que la première, car nous étions quatre au lieu de trois. L'entente entre nous a été très bonne. La partie contre le vent a été moins pointue et nous avons collectionné les belles parties de voiles sous toutes les configurations de voilure.


Caramel n'est pas oublié. Le dessaler et le nettoyer est notre première occupation après l'amarrage. La journée passe bien vite malgré ce soleil qui cogne.


En cette période d'avant Noël, Salvador de Bahia vit une activité artistique et religieuse intense. Tous les soirs, le Pelourinho (vieille ville) est le théâtre de multiples spectacles de chants et de danses à la mode brésilienne. Dès notre première soirée, nous assistons à cinq mini-concerts sur des estrades construites sur les places et rues de l'ancienne ville.


Autour des attroupements de spectateurs gravitent des petits vendeurs de brochettes de fromage, de boissons fraîches, de tasses de café, de colifichets lumineux, …


L'ambiance est bon enfant, l'équipage est ravi de découvrir la chaleur et l'accueil bahianais.


Moi, qui savais ce que j'allais y trouver, je suis aussi heureux qu'eux. La transat n'est certainement pas une fin en soi et ce soir je sais pourquoi je l'ai faite. Les cœurs des chants de Noël et le grondement des tambours du maracatu ont déclenché leurs vagues d'émotions. Il est un peu embué ce soir, le regard du Capitaine. 



















Ambiance de Noël à Salvador de Bahia















































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Ate logo e Feliz Natal.


















Fait à Salvador de Bahia le 20 décembre 2005 sous la chaleur écrasante du port


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Crédit photos : Patrick, Didier, Alain et surtout Gaétan 


PS : nuit du 20/12 : Gaétan vient de se faire agresser par 3 malfrats qui lui ont arraché son appareil photo. Il était sorti seul à 22 heures hors du périmètre surveillé de la vieille ville. Seulement d'une centaine de mètres ... Il en a boxé un mais les deux autres se sont enfuis. Personne n'est blessé, mais on ne sait jamais comment peut tourner ce genre de rencontre. Par chance, j'avais sauvegardé 80% de ses photos sur un DVD. Ouf ! 




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