Voyage 2005 - 2007

de Caramel

CHAPITRE 05 : PARATY (BRESIL) - BUENOS AIRES (ARGENTINE)


Descente vers le Sud

La température de l'eau de la baie de Paraty est de 30°C. C'est fou ce que les cochonneries poussent vite à cette température. Comme j'avais déjà passé l'éponge sous l'eau à Dakar et le grattoir à Salvador, ce qui reste d'anti-fouling européen n'est plus très efficace. Caramel doit faire un voyage de plus de 1100 milles vers le sud et il n'est pas question de partir avec une coque sale. Equipé d'une bouteille de plongée, je grattouille à nouveau la coque dans l'eau trouble du port.


Intéressés, les poissons se précipitent sur ces détritus. Ils ne semblent pas du tout incommodés par le poison de la peinture sous-marine, contrairement à moi. En effet, j'ai revêtu une petite combinaison en Lycra pour faire ce travail. Durant trois heures, de la poudre de peinture en suspension va se coller dans le tissu couvrant les jambes, provoquant une belle réaction de brûlure …


Catherine est rentrée en Europe et l'équipage pour cette étape est constitué par Marc qui connaît Caramel pour avoir fait partie de l'équipage entre la Floride et les Açores en 2003 et de son ami Peter. Le premier est français, le second est suisse d'éducation anglaise. Nous sommes entre gens de bonne compagnie et l'ambiance est immédiatement conviviale.


La dernière soirée à Paraty est déjà teintée de fin de saison, les touristes sont rares, les restos vides et les pavés toujours aussi dangereux.


Arrivée surprenante en fin de journée, j’aperçois la goélette Tara (ex Antarctica - ex Seamaster) revenant de mission antarctique avec une coque un peu cabossée. Je saute dans l’annexe pour me rapprocher. L’équipier d’avant me descend une grosse amarre que je passe dans une bouée de corps mort. Après Belém sur l’Amazone, c’est ma seconde rencontre avec ce bateau mythique. Sympa.


Nous partons le lendemain de l'arrivée des équipiers vers Angra dos Reis, le chef-lieu de la baie d'Ilha Grande. Halte nécessaire pour parfaire notre avitaillement et faire la sortie du pays pour le bateau et l'équipage.


Nous y retrouvons nos amis britanniques Ian et Judith qui viennent de passer deux années en Argentine et au Chili. Ils sont une mine de renseignements pour nos prochaines étapes.


L'avitaillement est rapidement expédié et chose étonnante, les formalités de départ également. Une visite à la Capitania dos Portos a suffi ! Ils ont photocopié nos passeports et m'a souhaité « Bom viagem » en me disant qu'il s'occuperait de la sortie des personnes avec la Police Fédérale. Un peu surpris, je demande qu'il me confirme la chose. Même réponse. Bon, bon. Ou tout devient simple dans ce pays, ou il est mal renseigné, ce qui n'a pas l'air d'être le cas. Ceci nous servira bien par la suite…


La «Marina dos Piratas» à Angra dispose d'un cybercafé où nous prenons les fichiers des vents sur l'Internet. Pas de problème en vue pour les prochains jours, de plus cette partie du littoral brésilien est réputée pour ses vents faibles.


Andiamo Caramel, avanti ! Au terme de deux jours et demi partagés entre voiles et moteur, Caramel arrive à Porto Belo, juste au nord de Florianopolis. Le gros bourg est niché dans un creux de la côte et protégé par une île magnifique aux rochers ronds sur fond de sable clair. L'île de Porto Belo est une réserve naturelle aménagée pour les touristes (www.ilhadeportobelo.com.br)


La petite marina de la ville, soi-disant réputée pour le marbre de ses toilettes, nous refuse un amarrage. «Réservé aux membres dans la marina et les trois places visiteurs à l'extérieur sont prises» nous crie-t-il le marinero. Bon tant pis, on s'installe au mouillage entre la côte et l'île, en compagnie de deux bateaux suisses. Nous réussissons à ce moment le plus grand rassemblement de yachtmen suisses du Brésil. Ils sont là depuis quelques semaines, profitant de la beauté du mouillage et du faible prix de la vie locale. Peter imagine un moment aménager un Carnotzet sur Caramel …


Notre escale avait également pour but de nous protéger du coup de vent de sud annoncé pour le weekend. Leopoldo, skipper solitaire d'un des deux bateaux, nous suggère de mouiller deux ancres, car la qualité de la vase est assez moyenne. Avec Marc, je monte une ancre d'empennelage.


C'est une ancre, généralement plus petite que l'ancre principale qui se monte en amont de celle-ci. La nôtre est une ancre plate de six kilos reliée par cinq mètres de chaîne.


Comme prévu le vent forcit samedi et monte encore dimanche pour atteindre 30 nœuds (55 km/h). Le mouillage ne bouge pas trop et nous descendons tous les jours à terre avec le dinghy seulement protégés par des K-way.


Nous avons fait 350 milles et il nous en reste encore 800 à faire pour arriver à Buenos Aires, avec peu d'abris sur la route. Il est nécessaire d'avoir au moins trois jours de temps favorable pour atteindre le premier abri.


Les fichiers des vents nous donnent seulement 48 heures avant le prochain coup de vent de sud. Celui-ci devrait durer deux jours. Nous voilà coincés. La seule chose que nous puissions faire est de nous avancer de 60 milles pour atteindre la baie de Pinheira au sud de Florianopolis.


Pinheira est une anse remarquable. En forme de parfaite demi-lune, sa plage de sable clair borde directement les résidences secondaires des citadins de Florianopolis. Nous mouillons sur fond de sable en compagnie des petits bateaux de pêche et des mouettes.


Il n'y a pas que le retour des mouettes pour nous signaler que nous descendons vers le sud. Les nuits sont nettement plus fraîches et la couette devient indispensable. Les quarts de nuits nous voient affublés de pantalons et vestes polaires qui n'étaient plus que lointains souvenirs abandonnés au fond des armoires. Les palmiers sont remplacés par des bouquets de filaos, l'eau de mer passe de 28°C (Paraty) à un rafraîchissant 21°C. Bref, pratiquement un temps d'hiver !


C'est alors que Peter sort les charcuteries valaisannes et la vraie fondue au fromage qu'il a amené de Suisse. Prudemment, je propose de la servir ce midi, histoire de digérer durant l'après midi. Casserole au centre de la table sur une plaque électrique et groupe électrogène en route, nous mangeons à bord de Caramel la seule véritable fondue artisanale du Brésil. Le fromager n'a pas lésiné sur le kirch et le vin blanc. Avant la fin du caquelon, nous sommes pompettes sans avoir bu beaucoup de vin… Soirée salade et DVD. Seuls nos estomacs sont au travail.


Les prévisions météos semblent s'améliorer pour la fin de semaine. A partir de vendredi, nous devrions bénéficier d'une fenêtre d'au moins cinq jours de vents portants ou faibles. C'est le moment, il faut foncer et essayer de terminer au finish.


Peter estime qu'il y a un risque de rater son avion à Buenos Aires si nous avons encore des soucis météo sur les 750 milles qui viennent. Il préfère nous quitter ici et rejoindre l'Argentine en avion. Le 31 mars, nous levons l'ancre à 06h30, poursuivant notre route vers le sud. Comme nous avons pu garder nos vignettes d'immigration brésilienne, il sera facile à Peter de quitter «une seconde fois» le pays.


Le vent est au rendez-vous. De nord à nord-est, il souffle entre 10 et 25 nœuds, propulsant Caramel à bonne allure. Nous gréons presque toutes les voiles en fonction de la direction et de la force du vent. Nous longeons encore la terre durant la journée. Le relief change, les montagnes se tassent et les dunes de sable s'élancent.


Nous ne sommes pas seuls en mer. Si la journée de samedi réunit les trois voiliers aperçus, tous les jours et surtout toutes les nuits, nous jouons avec les trajectoires erratiques des chalutiers et les cargos qui sont sur la même route que nous. Je me félicite toutes les nuits de l'achat du petit AIS qui visualise clairement la situation des gros navires.


A terre, mon ami Didier collecte les données météos de notre zone et nous fait suivre par un SMS sur l'Iridium (téléphone satellite) les dernières prévisions. Le vent va tourner au sud plus vite que prévu, sans cependant dépasser les dix nœuds. Nous sommes par le travers le port de Punta del Este en Uruguay. Un dernier effort pour rentrer dans le rio de la Plata et tout devrait bien aller.




Le lecteur navigateur pourrait s'étonner du luxe de précautions météos que nous prenons. Il faut savoir que nous avons quitté les tropiques depuis plusieurs jours et sommes entrés dans une région régie par un système dépressionnaire. Nous sommes en automne austral et la saison des pamperos a commencé. Officiellement elle débute mi mars et nous sommes début avril. Les pamperos sont des coups de vents du sud ouest aussi soudains que violents. Le vent passe en quelques secondes à 60 nœuds (110 km/h) pour redescendre à 30/40 nœuds après quelques minutes. Ces coups de vents qui durent généralement 48 heures sont annoncés par une chute de pression barométrique et un mur de nuages noirs en forme de rouleaux ou de cigares. Statistiquement, il y en a une vingtaine par an.


Le pampero est un vent de terre qui ne lève pas une mer forte le long de la côte, mais de temps en temps, il se transforme en «carpintero». Celui-ci est un vent de sud-est aussi fort que le pampero mais qui lève une mauvaise mer, mettant en danger les bateaux en les repoussant à la côte. La tactique est donc de se laisser porter au large par le pampero pour avoir de l'eau à courir en cas de rotation au SE. Carpintero signifie charpentier, ce sont eux qui avaient du travail du temps de la marine à voile pour récupérer le bois des épaves des grands voiliers …


Nous rentrons dans l'énorme rio de la Plata : 210 km de large et près de 300 km de long. L'eau est boueuse, presque visqueuse. Le ciel devient gris, le baromètre descend depuis 12 heures. Marc et moi regardons avec anxiété cette longue barre de nuages qui roule à l'ouest, devant nous. Un front superbe et inquiétant s'approche. Ce pourrait être un pampero, pourtant les prévisions n'annoncent rien de tel. Nous sommes subjugués par la beauté de ce phénomène. Les photos que nous prenons ne rendent pas la finesse de l'image et l'ambiance dramatique de l'environnement.









Un premier cigare passe au-dessus de nos têtes, le plus noir. Deux autres suivent de près, déjà plus clairs. Le vent tourne à l'est. Aie aie aie ! Puis, plus rien. Nous rentrons dare-dare les voiles, car c'est un symptôme d'avant pampero, mais le baromètre remonte allègrement. Le vent suit gentiment sans dépasser les 15 nœuds. Ouf, on en est quitte pour une simple inquiétude. Les récits de nos camarades bateaux revenant d'Argentine et rencontrés au Brésil nous avaient un peu préoccupés.


Nous progressons dans le rio entre les bancs de sable et les épaves sur peu de profondeur. Le balisage impeccable des argentins nous facilite la tâche en confirmant la route que nous suivons sur la cartographie électronique.


Les cargos doivent suivre un étroit chenal dragué à 10 m . Nous pouvons nous permettre de le longer à l'extérieur. A 23 heures, nous décidons de jeter l'ancre à hauteur de la ville de «La Plata». Etrange nuit, nous sommes mouillés au large par 6m d'eau, on distingue à peine la côte. Il n'y a plus un souffle de vent. Un cortège de cargos passent sans bruit à quelques centaines de mètres. Nous pouvons dormir six heures d'affilée.


Pour les derniers trente milles, nous prévoyons de partir à 06h30, mais un brouillard épais retarde notre projet. Sur cette dernière portion de route, il faut que nous empruntions également le chenal. Ce qui est dangereux par mauvaise visibilité.


Peu après 08H00, le brouillard se dilue et se transforme en brume que le soleil va certainement dissoudre. Nous repartons, l'un à la barre, l'autre au radar en direction du canal Norte pour accéder au port de Buenos Aires. Dans le chenal, les bouées sont colonisées par des hordes de mouettes qui regardent passer Caramel. Le regard goguenard, elles semblent savourer ce perchoir qui joue aux montagnes russes.










La marina du Yacht Club Argentino est juste au début du port, à gauche après les jetées. Nous pénétrons par l'étroite entrée.


Malheureusement, il n'y a pas de place à quai et nous sommes contraints de nous amarrer entre deux corps morts. La descente à terre se fait en dinghy poussé par quelques coups de rame.


«Bienvenido en Argentina». Le pavillon de courtoisie est hissé. Le Club nous offre une semaine de gratuité et les formalités d'entrée dans le pays sont expédiées en moins de trois heures par une administration bon-enfant.


Catherine arrive avec son amie Virginie le lendemain et nous décidons de nous installer plus confortablement à la Marina de Puerto Madero, au centre de la ville, dans les anciennes darses portuaires rénovées en bureaux, logements, commerces et restaurants. Caramel prend ses quartiers d'automne. Nous resterons ici quelques temps avant d'aller chercher un peu plus au fond du delta, sur le rio Lujan, une marina où il pourra rester seul durant l'hiver austral.


Marc, équipier modèle, s'en retourne en France. Il sera encore du voyage de Caramel pour la traversée du Pacifique, l'année prochaine.





Portraits argentins



































BUENOS AIRES : La ville


Une de nos premières activités est d'acheter un plan de la ville pour se repérer. La capitale fédérale de l'Etat est énorme. Certaines rues font plus de vingt kilomètres. Heureusement le centre ville gravite au nord des anciennes darses où nous sommes amarrés. Les taxis sont très bon marchés et rôdaillent partout.


L'éphémère équipage de Caramel badaude dans les quartiers anciens de la ville. La place principale, Plaza de Mayo, est un haut lieu de la revendication. Nous retrouvons des infirmières en colère, des vétérans de la guerre des Malouines réclamants des arriérés de pension, de militants de Greenpeace pour une cause plus écologique.


Cow Parade




















La Recoleta nous offre son cimetière historique, témoin étonnant de l'opulence des familles importantes qui ont écrit l'histoire de la ville, du XIXème à la première moitié du XXème siècle.


San Telmo propose ses antiquaires et son marché de brocante bien achalandé où nous trouvons quelques bibelots. Nos pas nous amènent à visiter l'immense «Teatro Colon», un bel opéra aux entrailles gigantesques. Nous reprenons de l'énergie au «Gran cafe Tortoni», archétype du grand café fin de siècle.

















La Bocca s'efforce de lisser son aspect canaille, genre little italy portuaire, en colorant ses façades et en jouant du … tango.


Les rues haussmanniennes avoisinent les tours de métal et de verre. Les «confiterias» (café-tea room) début vingtième jouxtent les architectures alimentaires de la seconde moitié du siècle. De-ci de-là, des échafaudages témoignent de la prise de conscience d'un patrimoine urbain fragile et riche.


Cemeterio La Recoleta





























L'Argentine est un pays presque exclusivement d'immigration, les « natifs » - les Indiens d'origine – ont quasi complètement disparus. Au fil de la colonisation et après l'indépendance, le pays s'est gonflé de nouveaux arrivants espagnols, italiens pour le gros de la troupe et d’allemands plus divers autres états européens pour le reste.


Il en résulte un riche mélange de cultures latines, avec de rares reflets anglo-saxons. La queue pour le bus par exemple est strictement british, c'est-à-dire efficace. Mais les Angles et les Saxons n'étaient-ils pas germaniques ?


Bien sûr, la toute puissante Amérique du Nord a introduit quelques préceptes. J'aime à voir dans les rues de la ville les « dogsitters ». Des gars dont le job est de promener deux fois par jour les chiens dont les maîtres sont au travail. Ils sont tirés par cinq ou six animaux costauds qu'ils maîtrisent à peine. Les clebs ne s'entretuent pas, malgré quelques Pitbulls.


La dernière crise financière du pays (1998-2002) a laissé sur le pavé bon nombre de gens qui survivaient déjà. De nouveaux petits métiers sont apparus comme les «cartoneros» qui font les poubelles nuitamment pour récupérer et revendre les cartons qu'ils entassent sur de hauts chariots.












A l'opposé, dans la cohue des rues du centre ville à l'heure du déjeuner, la couleur noire est de mise. Celle des costumes et des chaussures pour les hommes et des tailleurs stricts pour les femmes. Business is serious. Mais le naturel revient au galop, les restaurants sont bondés, animés. On y mange et on y boit tard dans l'après-midi, dans un brouhaha qui exprime l'appétit de la vie.


La cité est un morceau d'Europe hispanique qui a dérivé dans le sillage des caravelles. On s'y sent chez soi. Les habitants sont nos cousins mais on s'étonne tout de même des péripéties sociopolitiques de son histoire récente.










Buenos Aires, c'est le berceau du tango. Pour vous c'est une danse ringarde, ici c'est la respiration d'une ville, la fierté d'honorer ses racines, la communion d'un peuple qui a surmonté bien des misères.


La «Confiteria Ideal» est la récompense du voyageur. On passe la porte et à l'instant, on se retrouve projeté cent années en arrière (1912). La salle de bal tout en stuc et colonnades voit virevolter des dizaines de couples sur un rythme bien réglé.


Hommes et femmes de tous bords s'y rendent souvent seuls pour perpétrer cette union particulière des corps. La femme se lève pour montrer sa disponibilité. Un homme s'approche. Le couple prend un instant de pose, la femme incline la tête, repose le buste sur son partenaire. Les danseurs glissent leurs pas, l'étreinte est sensuelle et pudique à la fois, les yeux se ferment. Le tango les emmène dans une autre sphère, celle de Carlos Gardel.





















Le week-end à San Telmo ou à la Bocca, les rues débordent de tango. Des danseurs isolés, des couples de tous âges, des musiciens ou des bands expriment leur passion sur le pavé ou sur le trottoir. Quoi de plus envoûtant que le son du bandonéon, autant capable de vous arracher les tripes que l'harmonica de Toots Thielemans.


Il y a aussi bien sûr le tango pour les touristes, celui plutôt acrobatique des salles de spectacle. Mais ce n'est pas sa place. Pour être fidèle à ses origines sorties du bouge et à sa sensualité, le tango doit s'apprécier dans un bistrot étriqué. Il faut sentir l'air déplacé par les danseurs et les vibrations sorties du soufflet du bandonéon. A l'occasion passez un soir au « Bar Sur » ou à San Telmo, nous y serons peut-être encore.

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Esprit de Tango









































COLONIA - URUGUAY

Les journées passent vite. Pour parfaire notre séjour, nous décidons de faire un saut à Colonia, la ville voisine de Buenos Aires, juste de l'autre côté du Rio de la Plata. Une heure de catamaran rapide nous amène dans un autre pays : l'Uruguay et un autre univers, celui d'un bourg colonial disputé au cours des siècles par les portugais et les espagnols. Ces derniers y sont restés maîtres.


Colonia, c'est un lieu de sérénité où les espaces verts ont eu une part dans l'aménagement du bourg fortifié né fin XVIIème. C'est un fait assez rare pour être remarqué. Nous y arrivons de bonne heure, ce qui nous autorise une visite des lieux pour nous seuls, en compagnie de Beatriz, notre guide uruguayenne.


Pour un prix dérisoire, nous avons un ticket d'entrée pour les sept musées de la ville. Tous petits, ils nous permettent de découvrir les architectures des différents envahisseurs de la ville classée «Héritage mondial» par l'Unesco. En bordure des murs d'enceinte, l'herbe tapisse la limite de l'estran. Les faibles marées du rio sont d'eau douce.




Uruguayan Old Timers

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Histoires à "maté"




















Après la douceur de Colonia, la nuit sur Caramel nous ramène aux réalités climatiques locales. Vers 19h30, nous prenons l'apéro dans le carré à l'abri des moustiques. Plic ploc, j'entends quelques gouttes de pluies incongrues sur le pont. Je file pour ramasser les chaussures restées sur le pont. En moins de 15 secondes, le vent grimpe à plus de 35 nœuds. La pluie crépite dur et mouille jusqu'aux os. La température tombe de 10 degrés, le temps de le dire.


Dehors, tout ce qui n'est pas attaché valdingue. Je récupère in extremis un bidon d'essence et un vélo. La fermeture Eclair du taud de soleil explose. Caramel se vautre sur son catway (petit quai latéral), heureusement protégé par des pare-battages. A l'intérieur, les bouteilles d'apéro se retrouvent heureusement dans l'évier.


Sur les quais, les tables et chaises des bistrots sont transformées en quilles de bowling. Le vent enchaine les «strikes». A trois cents mètres au sud, les palissades de bois d'un chantier de construction s'affaissent comme une rangée de domino. Des vitrages en cours de pose sont arrachés.


Ici, nous sommes protégés par les immeubles de la ville. Dehors, à l'endroit où nous étions amarrés la semaine dernière au Yacht Club Argentino, nos copains canadiens voient les équipets se vider sous de violents coups de gîte. Leur éolienne s'emporte dans une rotation trop rapide, deux pales sur trois s'arrachent. Leur voilier en métal de quinze mètres dérape … emmenant ses deux corps-morts sur dix mètres. Ils reviennent de six mois de Patagonie et n'ont jamais vu cela (je suis rassuré …).


Notre voisin de quai, un bateau à moteur de quatorze mètres, parti quelques heures plus tôt sur le rio de la Plata, voit son étrave soudainement filer sur tribord. Avec difficulté et plein gaz, il arrive à se remettre dans le chenal Mitre alors que le sondeur n'indique plus que 1,30 m . Son dinghy mal attaché sur le pont avant en profite pour s'envoler …


A la station militaire de La Plata, juste au sud de Buenos Aires, l'anémomètre enregistre 67 nœuds de vent. Nous sommes mi-avril, c'est le début de la saison des pamperos. Le vent est rapidement retombé à 20 nœuds (dans la ville). Il a soufflé toute la nuit disputant la direction de l'orchestre avec la pluie !










C'est bientôt la fin du séjour argentin pour Catherine et Virginie. Les deux derniers jours sont consacrés aux achats. Le prix des vêtements et des articles de cuir (chaussures, maroquinerie, etc…) est particulièrement intéressant dans ce pays, d'autant que la TVA est remboursée à l'aéroport en repartant. Les shoppings de la ville sont systématiquement visités et la rue Florida consciencieusement arpentée !


Je reste seul à bord pour vaquer aux diverses maintenances, préparation de l'étape patagonne et pour écrire dans le calme les articles en retard depuis des mois. L'automne est bien là. Ce matin, 16 avril, j'ai allumé pour la première fois le chauffage du bateau. Dehors, la température ne dépasse pas 10 degrés. Il y a au moins un avantage : les moustiques sont saqués.


Opportunément, j'apprends en discutant avec notre voisin de ponton, qu'il dispose d'une place à l'année à San Fernando, la ville au nord de Buenos Aires, située le long du Rio Lujan. C'est la plus grande concentration de marina que je connaisse, après Fort Lauderdale. Des milliers de bateaux coulent des jours tranquilles sur ces bassins creusés dans les rives du rio.


Leandro m'amène jusque là pour examiner les lieux. L'amarrage à l'air bien et la sécurité excellente. L'environnement fluvial est champêtre. La marée fait ici trois mètres alors qu'elle est de moins d'un mètre à Buenos Aires. Personne n'est capable de me l'expliquer ! Il paraît que l'influence du vent est ici prédominante sur celle de la lune, mais encore …


Dimanche 1er mai, je quitte Puerto Madero avec beaucoup de regrets en compagnie de Vincent, un français installé en ville depuis deux ans. Le vent flirte avec les 30 nœuds. Pour plus de sécurité, nous prenons le canal Mitre et faisons le grand tour par les canaux Onda, Urion, et Vinculation pour tomber directement sur la Marina del Norte. Clientèle de luxe, gardes partout, des centaines de cruisers bichonnés par des marineros. Caramel n'est pas tout à fait dans son élément, mais en sécurité tout de même.


Huit amarres plus tard, je pars à vélo en reconnaissance des lieux. Les shipchandlers sont ici, de quoi fournir Caramel pour les quelques achats nécessaires à l'étape patagonne. Je perfectionne mon espagnol chez un coiffeur philosophe et porté sur la sémantique castillane. Une grande antenne sur la capitainerie distille des ondes wifi qui permettent de charger ce chapitre sur le site de Caramel.


Le temps passe trop vite, décidément j'aime Buenos Aires et ses habitants. Caramel va rester orphelin pour 6 mois. Le temps de l'hiver austral. Nous reviendrons en octobre pour terminer les préparatifs de cette importante et difficile étape qui devrait nous mener à Puerto Mont, sur la côte pacifique du Chili. Mais tout ceci est une autre histoire … à suivre.


Buenos Aires - Tango y Pampero - Pasión y Fuego




Flâneries en ville 




































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San Fernando, le 04 mai 2006 par une température extérieure qui nécessite l'utilisation du chauffage du bord.


Crédit photos : Patrick, Marc et Catherine 


‍     Clin d’oeil final ?









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